* Balade en ville et caillou sournoi * [Libre]

[Après les fiches, inaugurons le RP o/]

"Rappelle-moi... On est là pour quoi déjà ?"

"Les courses..."

"La flemme !"

Deux jeunes filles déambulaient... Non. Une des deux déambulait dans les rues de la Capitale. L'autre suivait simplement, l'air visiblement blasé et absent. Ou était plus posée que l'autre tout simplement.
En tête, avec son caractère à se plaindre de tout, et son allure enfantine, Angie zieutait plus ou moins les étalages trouvant qu'il n'y avait... Rien. Ou que c'était trop cher.
Derrière elle, Ruby s'arrêtait simplement pour acheter ce dont elles avaient besoin.

En théorie, se balader en ville pour le duo pouvait être risqué. D'une, elles avaient leur petite réputation, et de deux, niveau discrétion, il fallait repasser. Ne serait-ce que par la tenue et les manières de la plus jeune des deux. Qui attiraient beaucoup les regards.
Quoique l'autre aussi, avec ses vêtements plutôt riches. En même temps, elle n'avait que ça, et pas par choix.

Malgré tout, bien qu'elles attiraient toutes sortes de vues, les gens ne les connaissaient pas. Isélion, c'était plutôt grand. Personne ne pouvait se vanter de reconnaitre une tête à chaque coin de rue. Et tant qu'il n'y avait pas de pagaille, pas trop de soucis à se faire. Et puis au pire, se serait entre les Insurgés, et les gardes du Royaume.
Elles n'étaient ni dans un camps, ni dans l'autre. Alors pourquoi seraient-elles inquiétées, réputation ou non ?
Personne pour les signaler. Et le Roy préférait mettre la main sur les Terroristes en priorité, que sur un duo de nanas à problèmes potentiels. Quoi que non. Elles ne créaient pas les problèmes.
Elle se défendaient quand on leur en posait. Le reste du temps, elles étaient des citoyennes tout à fait banales !
Par de leur faute si ceux qui avaient tentés de poser la main sur elles avaient vu leur vie légèrement écourtée hein. A force de croire que les filles sont de faibles créatures...

Donc non, elles n'avaient rien à se reprocher, même si elles étaient plus ou moins recherchées à cause de certains meurtres isolés. Bien que les seuls témoins étant les victimes, aucune preuve ne pouvait être donnée contre elle. Seulement des rumeurs. Et encore, fallait-il que les badeaux qu'elles croisaient dans les rues les identifient aux dites rumeurs.

La routine quoi. Ainsi était fait le monde.

Les emplettes continuèrent sur cette lancée. Sauf que c'était sans compter sur la maladresse légendaire, ou presque, de Ruby, qui s'égarait un peu trop souvent dans ses pensées, et qui du coup, ne faisait pas réellement attention.
Vu qu'elle achetait tout, elle portait également de sac de victuailles dans ses bras, ce qui lui masquait une bonne partie de son champ de vision. Au niveau du sol.

Il ne lui fallut donc pas longtemps pour butter dans un caillou.
Vous savez, ce petit caillou qui se retrouve au beau milieu des pavés sans rien avoir demandé à personne, et qui voit son voyage se décider au gré des pieds de ceux qui ne peuvent l'éviter.
Bref, ce petit caillou assez gros qui permet d'invoquer le ridicule sur n'importe qui. Ne sous-estimez pas les cailloux.

Deux furent les victimes de cette fourberies. Et tous les autres autour, des témoins.

Première victime : la pauvre noble portant le sac. Ou du moins, sa chaussure. Buttant dans le coupable. Faisant trébucher sa propriétaire. Sac devenant ainsi une sorte de projectile, une fois lâché, par réflexe.

Seconde victime : le passant innocent qui n'avait absolument rien demandé. Se retrouvant avec bon nombre de nourriture sur la tête. Et un sac vide, à ses pieds.

C'est beau, le pouvoir les cailloux, comme je vous le disais.

Saeko voulait quitter Caelicia. Cette vie était terminée.

Son objectif : partir très loin d'ici, avant qu'elle ne soit retrouvée par les vassaux du Roi, contre lesquels elle s'était enfuie. De même que chez les Insurgés.

Sa prochaine destination : Kamerlan. On disait ce pays rude en climat, mais elle n'avait plus rien à perdre. Elle s'endurcirait. Elle le devait. C'était une question de survie.

Pour cela, la première étape était d'aller au port. Mais personne ne la prendrait clandestinement. Il lui fallait donc de l'argent.

Saeko avait réappris depuis à marcher, et à faire comme si elle voyait, car évidemment, elle évitait de courir. Elle n'avait plus besoin de bâton pour marcher, ni de bandeau. De toute façon, il était hors de question de révéler ce que les nobles d'Isidil lui avaient fait subir. Sinon, ça serait l'échec assuré.

Aussi s'était-elle installée dans les rues marchandes, ayant réussi à obtenir un carnet de croquis et une mine de charbon. A l'intérieur du carnet, quelques croquis, issus de son imagination, des vêtements en tout genre, pour toutes les classes sociales.
Oui, cela pouvait paraître surprenant. Mais durant sa rééducation chez les Insurgés, avant de prendre la fuite, Saeko avait refusé de perdre la main parce qu'elle ne voyait plus. Aussi avait-elle gardé son don pour le dessin, et s'y était entraînée là-bas. Au début, beaucoup de ratés, mais à présent, elle avait ses propres trucs pour se repérer. Même sur le papier. Elle devait bien trouver un moyen de gagner sa vie, si elle voulait s'en refaire une.

Elle n'avait aucune aptitude pour être une combattante chevronnée. Donc l'art des armes, c'était inutile. La magie, idem, elle n'avait aucun don. Elle s'était donc retranchée dans ce qu'elle savait faire autrefois, surmontant son handicap, bien que celui-ci pouvait lui faire défaut de temps en temps...chose qu'elle préférait ne pas révéler, sous peine d'être de nouveau...traitée comme une sans-valeur. Moins que rien. Et ne plus avoir droit à se refaire une vie.

Ainsi se cherchait-elle une place, dans les rues, sentant les pavés sous ses pieds, marchant naturellement, certes, mais pas d'un pas pressé, prenant une fraction de seconde chaque fois pour déterminer sur quoi elle marchait. Dissimulé par sa longue robe de soie.

Avec une telle démarche, on pourrait peut-être la prendre pour une fille de bonne famille, mais elle était loin de l'être. Si elle marchait ainsi, droite, en prenant un peu son temps, c'était justement pour pouvoir se faire des repères mentaux.

Et de pouvoir éviter de bousculer des gens, aussi, se concentrant sur son ouïe pour les détecter à peu près. Ce qui lui donnait un léger air concentré, du coup, à peine visible, mais qui était bien là quand même.

A un moment, elle entendit comme ce qui semblait être un bruit de chute et des cris de surprise, ainsi qu'une plainte d'un homme.

Saeko fut évidemment la seule parmi les gens aux alentours à ne pas détourner le regard. Parce que forcément, ce genre de spectacle attirait naturellement l'oeil humain.
Pas les siens, qui avaient certes repris leur couleur noire, dissimulant du coup le fait qu'elle était aveugle. Ses pupilles ne voyaient absolument rien. Juste du noir. Qu'elle colorait selon son imaginaire à elle, afin de ne pas sombrer.
Cette scène, elle l'entendait, juste, il devait se situer à environ deux mètres d'elle, vu la résonnance des cris.

Intervenir, ou ne pas intervenir ? Bah. Vu de l'extérieur, elle devait passer pour une jeune fille froide, du coup, pour avoir ainsi fait "comme si de rien n'était", alors que non. Surtout qu'elle s'était arrêtée un bref instant, du coup, plus pour éviter de buter contre des personnes s'arrêtant brusquement devant elle qu'autre chose, en fait.

Discrètement, sous sa robe, de son pied, elle tâtonnait un peu le sol devant elle, évitant soigneusement d'utiliser ses mains pour tpatonner devant elle pour savoir si la voie était libre ou pas.
Dans sa tête, de l'extérieur, les victimes de la scène avaient du la trouver bien froide, alors pourquoi faire genre d'intervenir ? Surtout au risque de se tromper...

Vu que le monde s'assemblait, forcément, comme des imbéciles, Saeko se concentra afin de les repérer par l'oreille, tout en continuant discrètement à "scruter" le chemin du pied pour éviter de rentrer dans une personne.

Et pour ne pas se trahir, elle reprit son carnet à croquis, qu'elle appuya sur son avant-bras, tenant le crayon dans sa main libre, penchant la tête sur ses croquis, faisant mine de se concentrer dessus, pour justifier cette soudaine lenteur.
L'air concentré, elle l'avait déjà pour pouvoir se repérer, mais dirigé ainsi vers le carnet, ça pouvait tout à fait passer. Bien que son regard avait tendance à demeurer un peu fixe. Mais ça, c'était un minsucule détail sur lequel on ne s'attardait généralement pas trop.

Voilà toute la mise en scène qu'elle fit, elle n'en était pas très fière, mais pour elle, c'était une question de survie...

Pendant que Ruby s'excusait avec sa grâce habituelle, qui faisait que les gens la prenait pour une noble... Enfin, ce qu'elle était, ou avait été, plutôt, bien que toujours polie, avec les manières, et habillée richement... Et donc, n'insistaient pas trop, s'excusant alors à leur tour, ne voulant pas s'attirer les foudres du Roy, un vrai tyran celui-là, Angie, elle, ramassait la nourriture éparpillée, tout en demandant aux passants d'aller voir ailleurs si elle était pas au bordel. Par exemple...
La foule se dissipa donc peu à peu, et bien vite, son amie l'aida à ramasser ce que elle et sa fichu maladresse avaient fait tomber.
Sauf qu'en se redressant après avoir prit une pomme, l'ex-noble butta dans le carnet à dessin d'une jeune fille qui passait au même moment, plus lente que les autres, concentrée sur son travail.

"Bon sang Ruby ! Tu peux pas faire attention deux secondes ! Pense à ton image ! Le nobles ne sont pas aussi maladroits d'habitude !"

"Je n'en suis plus une..."

L'autre répondit doucement, sans vraiment d'émotion, remettant la pomme dans le sac, avant de se retourner vers la jeune fille, l'air désolé.

"Excusez-moi ! Je..."

"Elle ne sais pas où elle mets les pieds, faut pas lui en vouloir !"

Coupa Angie aussi sec, l'air amusé, tout en ramassant le carnet qui était tombé, et d'y jeter un oeil, avant de le tendre à la demoiselle.

"T'es plutôt douée toi ! Tu travailles chez un couturier pour faire autant de vêtements ?"

Sans passer par quatre chemins, forcément, quoique que sur un ton amical, accompagné d'un franc sourire. Telle était sa personnalité, totalement contraire à son amie, qui se plaçait déjà en retrait, observant la jeune inconnue... Qui ne lui semblait pas si inconnue que ça.

"Tu n'habitais pas au Château à un moment ?"

L'ancienne noble la questionna alors de son ton plat et monotone, légèrement animé par la curiosité, le visage de cette fille lui rappelant effectivement quelqu'un. Mais de là à se rappeler qui précisément... Elle n'aimait pas ceux qui l'avaient privé de ses parents pour ensuite a recueillir et la convertir à leur religion... Alors elle ne retenait pas vraiment leur tête, et encore moins leur grade.

Le chemin commençait à se dégager. Du moins, elle le supposait, les gens étant concentrés sur la scène qu'elle ne pouvait voir.

Aussi allait-elle faire un pas plus normal, mais elle ne vit pas ce qui ce trouvait devant elle et buta sur une jeune personne, jeune, d'après la voix qui en sortait.

Sursautant de surprise et tentant de retrouver son équilibre tant bien que mal, un peu affolée, elle s'écria :

- Oh, je vous prie de m'excuser !

Ne sachant pas combien de personne il y avait devant elle, elle se garda bien d'ajouter un "mademoiselle" ou "mesdemoiselles", juste au cas où. De sûr, la ou les personnes étaient devant elle, Saeko parla donc en direction de la voix...et surtout là où elle avait été bousculée, en fait.

Situation qu'elle n'aimait pas. Enfin, si à la limite, elle pouvait se faire passer pour une maladroite...

"Bon sang Ruby ! Tu peux pas faire attention deux secondes ! Pense à ton image ! Le nobles ne sont pas aussi maladroits d'habitude !"

Saeko se figea, intérieurement. Une noble ? Celle qu'elle avait bousculé sans le vouloir faisait donc partie de cette société qu'elle s'était mise à haïr pour l'avoir torturée pendant 4 ans, et pour lui avoir tout arraché ?
Elle tenta de garder une expression calme, ayant appris à le faire durant ces années où elle devait afficher l'air qu'on lui demandait. Mais au fond d'elle, c'était la méfiance absolue. Les nobles, c'était le mal. Ces gens qu'elle était si fière d'habiller autrefois, à présent, elle les détestait, s'en méfiait comme la peste.

Elle ignorait aussi de quel statut était celle qui avait parlé, peut-être était-elle issue du même monde, Saeko n'en savait rien, comme ça, elle ne pouvait pas le deviner tout de suite.

La noble, justement, dénigra ce statut social. Pour le moment, ça n'aidait pas Saeko à abaisser sa méfiance malgré-tout. Mais montrer une once d'hostilité lui serait fatal. Alors autant essayer de se dérober, si jamais. Si elle le pouvait.

Mais la suite la surprit beaucoup, si bien que l'expression put se voir sur son visage au moins pendant une fraction de seconde. La noble s'excusait...? Devant elle, qui n'avait plus de statut social, qui n'avait jamais été haut placée ? Elle qui faisait partie de la catégorie des moins que rien à leurs yeux ?
Oui, cela la surprenait beaucoup. Mais elle n'en savait pas encore plus. Surtout en ce moment qu'elle était un peu comme une fugitive.

Avant qu'elle ait pu prononcer un mot, la première voix les coupa toutes les deux, parlant d'une façon plutôt directe.

Elle ne vit pas le geste fait par celle-ci, d'ailleurs, entendant seulement :

"T'es plutôt douée toi ! Tu travailles chez un couturier pour faire autant de vêtements ?"

- Pendant un temps, oui.

répondit-elle avec un simple sourire. Sans tendre les mains devant elle pour l'instant, car n'ayant pas détecté le geste. Bon...si extérieurement, ça continuait de rendre bien, tant mieux, cela l'arrangeait beaucoup. Ainsi aurait-elle peut-être une chance de se refaire une vie avec les capacités qu'elle avait.
A défaut d'être une guerrière, hein...il fallait de tout pour faire un monde, non ?

Mais toutes ces pensées s'envolèrent d'un seul coup. Par une question qui lui glaça le sang :

"Tu n'habitais pas au Château à un moment ?"

Bon. Une noble de la ville, ça aurait pu passer. Mais une noble ayant habité le château, non. Si elle voyait, peut-être que Saeko l'aurait reconnue de suite et ne jouerait pas un petit jeu mi-sincère.
Beaucoup de monde habitait le château, elle n'avait pas tous les visages en tête, mais...oui, elle aurait pu peut-être la reconnaître.
Mais là non. Forcément.

A l'intérieur d'elle, ce fut de nouveau la panique. Parce qu'elle se revoyait cette vie en enfer. Et forcément, des questions comme "va-t-elle me dénoncer ?" ; "va-t-elle me ramener ?" ; "que vais-je devenir ?" etc lui venaient en tête.
Elle n'avait absolument pas la force physique pour se battre. Des aiguilles et des fils, ça, elle savait parfaitement les manipuler. Une épée, ou d'autres armes, absolument pas.

Peu importait, elle devait répondre. Et vite. Tout en luttant pour ne pas se trahir intérieurement. Quelque chose qui ne la trahirait pas. Mais elle ne trouva rien. Elle demanda plutôt, le plus posément possible, en direction de la voix de la noble :

- Pourquoi...me posez-vous cette question, Damoiselle ?

Angie agitait légèrement le carnet de dessin sous le nez de l'inconnue, qui ne le reprenait pas. Pire, ne semblait même pas le remarquer, ses yeux ne suivant pas le mouvement du papier. OK. Alors soit elle était douée pour ignorer, soit, elle ne voyait rien. Et la jeune fille, très observatrice malgré ses airs de gamine idiote, pencha aussitôt sur la seconde solution, même si elle n'avait jamais vu d'aveugle avec des pupilles normales... Elle rangea ce détail dans un coin de sa tête, laissant les deux autres à leur discussion, notant également qu'elle semblait avoir une légère réticence envers les nobles, vu ses expressions. Car oui, rien n'échappait à Angie.

Ruby, elle, n'avait absolument rien remarqué De toute manière, elle n'était pas douée pour ça. Sa vraie valeur se mesurant surtout sur un champs de bataille. Du coup, elle continua de répondre sur son ton totalement neutre, sans la moindre animosité.

"Juste que votre visage me rappelle quelque chose. Mais je peux me tromper. Je n'ai jamais vraiment fais attention avec qui je vivais, je ne suis pas des leurs, à la base. Aussi, désolée si mes yeux vous confondent avec une autre."

Angie baillait dans un coin, tout en continuant de feuilleter le carnet, qu'elle avait toujours en main, du coup. Puis elle rajouta, l'air de rien, mais en réalité, tout était calculé, juste pour avoir la confirmation de quelque chose.

"Ouaip, tu dois sûrement confondre. Les nobles ne font pas ce genre d'activité. Toutefois, si tu l'as déjà vue, c'est soit parce qu'elle travaillait pour eux, soit, parce qu'elle était là-bas disons... Vous avez des esclaves dans votre château là ?"

Elle venait de Kamerlan. Là-bas, l'Ystar, bien que fier, était proche de ses sujets, vivant pour eux, à leur service. La tyrannie n'existait pas, contrairement à ici. Alors parler d'esclave pouvait très bien être monnaie courante. Et la jeune fille avait du mal à imaginer une simple couturière avoir les faveurs de ce genre de tyran... Ou alors, pour des raisons... Disons peu correctes.
C'est que, malgré ses faux airs de jeune fille innocente et ignorante, elle était perspicace. Très perspicace. Elle observait donc avec une grande attention les expression de cette inconnue, qui elle-même, ne pouvait la voir. Plutôt pratique.

Ruby, bien sûr, ne se rendait absolument pas compte du manège de son amie. Bien moins observatrice, et plus lente d'esprit, elle répondit simplement de sa manière habituelle, sans la moindre arrière pensée.

"Oui, il y en a. Bien que pour ma famille, c'était surtout des hommes... Le Roy et ses soldats gardaient les filles pour eux. Je ne les voyais donc presque jamais, n'étant pas vraiment proche de ce dernier."

Ayant grandit dans cette mentalité, non seulement, elle répondit comme si c'était de la logique pure et simple, mais en plus, elle ne fit même pas le rapprochement avec ce visage lui paraissant pourtant familier, alors qu'elle avait demandé en premier lieu de par sa curiosité à cause de ça...

En guise de réponse, Angie siffla, avant d'ajouter, comme s'il s'agissait d'une discussion banale.

"Et bien, ça doit être facile tous les jours pour elles... 'Sont vraiment barbares dans ce pays, me demande pourquoi je suis venue moi, bref. Enfin, tiens, reprends ton carnet, il te sera plus utile qu'à moi."

Fit-elle en se tournant de nouveau vers l'inconnue, avec un grand sourire, observant toujours ses moindres expressions, ainsi que fait et gestes, tout en lui tendant une nouvelle fois son carnet.

Saeko ne s'aperçut pas du tout des expressions que pouvait arborer la jeune fille qui était plus directe que l'autre. Ni ses gestes. En gros, elle n'était pas vraiment au courant du stratagème qu'elle mettait en place. Elle ignorait aussi qu'elle se trahissait sans le vouloir.

"Juste que votre visage me rappelle quelque chose. Mais je peux me tromper. Je n'ai jamais vraiment fais attention avec qui je vivais, je ne suis pas des leurs, à la base. Aussi, désolée si mes yeux vous confondent avec une autre."

"A la base"...? Cette jeune fille avait-elle été adoptée, ou quelque chose dans le genre ? En tout cas, elle semblait avoir vécu du bon côté de la barrière.

- Mh, oui, ça doit être ça !

Si celle d'en face lui donnait un prétexte, question de survie, Saeko n'allait pas hésiter à l'utiliser. Etant étroitement surveillée jour et nuit, puis les châteaux abritant pas mal de monde, elle ne se souvenait pas de tous les visages rencontrés. De toute façon, à quoi cela lui servirait, puisqu'elle ne pouvait plus utiliser son regard ?

Mais au cas où, elle préférait rester prudente. Ces jeunes filles, elle ne les connaissait pas, pour l'instant, elle savait juste que l'une d'entre elles était une noble ayant vécu dans le même château qu'elle. A différent niveau, certes, mais dans le même lieu quand même.

"Ouaip, tu dois sûrement confondre. Les nobles ne font pas ce genre d'activité. Toutefois, si tu l'as déjà vue, c'est soit parce qu'elle travaillait pour eux, soit, parce qu'elle était là-bas disons... Vous avez des esclaves dans votre château là ?"

Bon. D'après sa façon de parler, les mots prononcés, Saeko devina que l'autre ne venait pas d'ici. Ni de Borrosen, parce que ce royaume avait à peu près la même ambiance qu'ici, si ce n'était pire...Saeko n'en savait rien, elle n'y était jamais allée, et dans sa situation, elle n'en avait aucune envie.
Restait plus que...Kamerlan ? Ce pays au climat rude, là où elle souhaitait aller pour échapper à toute cette tyrannie ?

Mais que faisait-elle alors avec une noble de Caelicia ?

"Oui, il y en a. Bien que pour ma famille, c'était surtout des hommes... Le Roy et ses soldats gardaient les filles pour eux. Je ne les voyais donc presque jamais, n'étant pas vraiment proche de ce dernier."

"Les soldats gardaient les filles pour eux". Punaise, ça, Saeko en savait quelque chose ! Cela lui fit remonter de bien sombres souvenirs. Tous ces soldats, qui profitaient de ses passages pour se rapprocher un peu trop près d'elle, et qui lui était défendu...de les repousser. Leurs souffles sur sa peau, elle en avait encore des frissons d'effroi. De leurs doigts qui la frôlaient, pareil.

Depuis ces 4 ans d'enfer, Saeko redoutait beaucoup les hommes. Si la noble en avait été un, là, elle aurait presque perdu son calme. Voire carrément. Les hommes étaient devenus de véritables démons à ses yeux.

En tout cas, l'autre jeune fille semblait vouloir savoir quelque chose. Vu le ton qu'elle employait, et sa question plutôt précise pour une étrangère...Saeko ne savait quoi penser, mais une chose était certaine, elle ne pouvait pas se permettre d'être naïve. Être de nouveau sous chaîne, voici sa nouvelle terreur. Plus jamais elle ne voulait remettre les pieds dans ce château qui semblait coupé de tout.

"Et bien, ça doit être facile tous les jours pour elles... 'Sont vraiment barbares dans ce pays, me demande pourquoi je suis venue moi, bref. Enfin, tiens, reprends ton carnet, il te sera plus utile qu'à moi."

- Merci bien.

répondit poliment Saeko en tendant les mains vers le carnet tendu, se tournant en direction de la voix. Sentant le carnet entre ses doigts fins, elle le prit doucement, le ramenant contre elle.

Elle n'osa pas leur demander ce qui les amenait ici. Surtout si ça devait lui attirer des ennuis, pour l'instant, tant qu'elle n'était pas certaine, elle ne se permettrait pas des familiarités.
Elle ne voulait pas céder pour le moment à la curiosité qui la titillait, car ce n'était pas un duo commun qu'elle avait sous les yeux. Vu les mentalités des pays...deux filles censées être ennemies, et qui pourtant semblaient être alliées.
Chose qui lui manquait cruellement. Un(e) allié(e).

Elle demanda toutefois, osant, espérant que ça ne dégénère pas, et que surtout, ça ne la trahirait pas :

- Excusez-moi, je...connaissez-vous la direction du port ? Je n'ai jamais quitté la capitale, et je rêve de voyager.

Réponse loin d'être dénuée de vérité, bien que ça soit très sous-entendu. Au moins, ses "jeux" avaient tendance à passer bien mieux quand elle y mettait une part de vérité dedans. Sans toutefois trop détailler.

Angie regarda autour d'eux. Un peu trop de monde. Bon.

Sans lui demander son avis, elle saisit la jeune fille avant de l'entraîner dans la ruelle à côté, loin des oreilles indiscrète. Elle cachait son handicape. Elle l'avait trouvé. Mais elle n'était pas stupide au point de le révéler au beau milieu d'une rue marchande bondée de gens friands de ragots et d'infos en tout genre.

"Voyager ? Alors que tu es aveugle ? T'en a de belles toi ! Et pour aller où ?"

Angie tout craché. Sans prévenir, directe, elle faisait rapidement part de ses observations, et perçait les gens à jour. Jouer le jeu, elle savait faire. Elle l'avait toujours fait. Alors face d'une personne similaire, ce n'était pas très difficile. Suffisait de reconnaître les signes.

Bien que là, son ton semblait plutôt alarmé, étonné. Même elle, pour arriver ici, elle avait dû y mettre beaucoup du siens. Traverser la mer, c'était long. Les pirates pullulaient. Rares étaient les bateaux de voyage pour Borrosif, terre pourtant alliée... Voyager... Un goût de luxe. Luxe = Nobles. Nobles = Proie de choix pour les pirates. Alors très peu voyageaient, à moins d'être un navire de guerre, avec armada. Mais que dire pour les bateaux en direction de Kamerlan, terre ennemie ? Ils étaient pour ainsi dire... Inexistants. Ou alors, de rare bateaux marchants, avec un équipage aussi rude que les pirates eux-même.

Allez y mettre une fille là-dedans ! Pour son cas, se faire respecter n'avait pas été difficile. Elle avait du caractère, et avait l'art de maitriser la magie. Ce qui impressionnait toujours. Et pourtant, malgré ça, ça n'avait pas été toujours facile. Les hommes ont des besoins que seul le sexe opposé peut combler. Elle ne s'était pas faite avoir toutefois. Toujours grâce à son don d'observation, et son intelligence. Et son caractère de feu. Risquer de se faire brûler les bijoux de famille, au sens propre du terme, ça refroidit pas mal...

Mais comment, dans ce cas, une jeune fille comme cette inconnue, à qui il manquait un sens important, et qui semblait si frêle, pouvait y arriver ? Tout simplement impossible.

D'autant plus qu'elle avait eu ce qu'elle désirait, avec sa question sur les esclaves. Car le visage de cette étrangère, enfin, façon de parler, vu que l'étrangère ici, c'était Angie, s'était assombrit à ce niveau. Ce qui signifiait qu'elle avait dû y passer...

Alors autant la mettre en garde. Ça briserait ses illusions, sûrement. Mais c'était ça, ou la laisser aller vers la mort, ou une vie sûrement plus horrible encore...

"Aveugle ?"

Ruby regarda son amie comme si elle était devenue folle, après avoir simplement suivit le mouvement, l'air impassible.
Cette fille était tout à fait normale, et semblait voir parfaitement bien. Comment ferait-elle pour dessiner, sinon ?
Mais elle connaissait aussi ses dons d'observation. Elle, elle était trop naïve, et pas assez éveillée pour se rendre parfaitement compte. Mais ce que ses yeux loupaient, ceux d'Angie le voyait. Alors, elle se contenta de rester silencieuse, et de suivre.

Saeko attendit la réponse, l'air de rien, comme si c'était tout à fait banal, voulant justement se faire passer pour une citoyenne des plus banales qui cherchait son chemin.

C'était sans compter le fait qu'elle s'était un peu dévoilée malgré-tout sans s'en rendre compte, et que l'une des deux filles devant elle était perspicace.

Saeko ne vit d'ailleurs pas le geste. Sinon, elle aurait reculé aussitôt, et de façon plutôt vive. Elle fut donc tout naturellement surprise quand elle sentit une main la saisir, et ne sachant pas de qui elle venait, peu importait de toute façon, là, elle paniqua, allant jusqu'à en pâlir. Si elle savait manier une arme ou une magie, ça irait encore, mais Saeko n'était pas une combattante, contrairement à ce que pouvait être supposément ces deux-là.

Du coup, par réflexe, elle tenta de résister et même de se débattre, se voyant se faire ramener au château, dans cette immense geôle de luxe dans lequel elle avait été pendant 4 ans.
Surtout qu'en plus, étant aveugle, Saeko avait pris l'habitude de se faire des repères physiques quand elle marchait, alors du coup, quand elle était soudainement prise comme ça, de manière vive, et entraînée rapidement, elle perdait ses repères, et cela devenait très angoissant pour elle.
Ce fait d'errer dans le noir total comme ça sans savoir où était quoi...oui, c'était très angoissant.

Et le pire, c'était qu'elle se retenait vivement de crier pour ne pas attirer plus l'attention, sinon, là, elle aurait plus de chance de se faire attraper par ceux qu'elle redoutait.

Prisonnière, de nouveau.

Elle sentit un mur contre son dos, elle tendait de reprendre son calme, bien que ça lui était difficile. Elle n'était pas en position de force, loin de là.

"Voyager ? Alors que tu es aveugle ? T'en a de belles toi ! Et pour aller où ?"

Le sang de Saeko se glaça, son coeur cessa de battre pendant un bref instant. Grillée. L'autre noble releva.

Saeko demeura silencieuse pendant un long moment, se sentant repartir dans le cauchemar qu'elle voulait tant fuir.

Se reprenant, elle tenta. Si elle vouait partir aussi loin, c'était bien pour une chose : redevenir libre, vivre sans chaînes. Avoir son mot à dire. Avoir le droit à la parole, à la liberté d'expression. Les coups physiques, elle ne les craignait plus. De toute façon, en position de faiblesse, si les deux la ramenaient effectivement, pour avoir fui, Saeko risquait très certainement de se faire tuer, donc qu'avait-elle à perdre ?

Elle voulut se dégager d'un geste mais n'y parvint pas. Finissant alors par relever le regard, se voulant défiant (parce que bon, les expressions dans le regard étaient peut-être moindre, du coup...ça, elle ne pouvait pas vraiment le savoir), pour répondre :

- A Kamerlan. Je n'ai aucune prétention d'aller servir le roi de là-bas. Je veux juste abandonner ce pays.

ça pouvait paraître lâche, peut-être, mais avait-elle vraiment le choix ? Elle n'était pas une combattante, elle avoulait juste survivre. Et ça ne serait pas ici que cela se passerait. Elle n'avait plus rien à perdre, alors pourquoi redouter un tel voyage, même aussi dangereux que celui-là ? Pour échapper à la mort, elle était prête à tout. C'était une façon de se battre, aussi. Et puisqu'elle était bien incapable de faire face au tyran directement, il ne lui restait plus qu'à survivre. Comme elle le pourrait. Ce qui serait déjà pas mal.

Et ne confirma pas le fait qu'elle était aveugle. Juste au cas où.

"Tssss, t'es vraiment idiote ! Qu'est ce que tu pense pouvoir faire dans ton état ? JE viens de Kamerlan. Et traverser la mer, c'est pas une partie de rigolade, crois-moi. Tu mourras avant d'y arriver. Et même si tu y arrives, tu ne sera plus toi-même. Tu seras salie par les marins qui t'embarqueront. Pourquoi crois-tu qu'ils prennent des filles de temps en temps hein ? C'est pas uniquement pour faire la cuisine ! T'es vraiment prête pour ça ? Tu as vraiment la force et le caractère pour y résister comme je l'ai fais ? J'en doute. Et puis... Une fois à Kamerlan... Je te souhaite bien du courage. Là-bas, ok, pas de tyran. Mais un climat rude par tous les temps ! Pense-tu vraiment avoir assez de volonté pour supporter tout ça ?"

A la vue de la stature plutôt fine de la jeune fille, elle en doutait. Et puis, elle n'avait pas de force. Elle s'était débattue quand elle l'avait traînée ici de force, à l'écart. Mais d'une main, l'y emmener n'avait pas été un soucis. Et elle était plus jeune qu'elle, à première vue. Si elle ne pouvait pas lui résister, comment ferait-elle face à un équipage de marins musclés, bien plus que les soldats du Roy ?

Alors non, forcément, elle ne passait pas par quatre chemins pour la mettre en garde. Et de toute façon, elle ne passais JAMAIS par quatre chemins. Ça de fait.

"Moi aussi, j'ai voulu fuir ce pays."

Ruby s'était simplement adossée au mur d'en face, et finit par prendre la parole à son tour, bien que d'une façon bien plus posée qu'Angie.

"Kamerlan me semblait être la destination idéale... Mais j'ai vite déchanté. Je ne pensais pas qu'il y avait autant de risques."

Fit-elle, très honnête. Elle pensait pouvoir embarquer comme les nobles. Mais elle avait fuit. Qui l'accepterai ? Et si si on la reconnaissait, on la ramènerait sûrement d'où elle venait.

"Je pensais pouvoir me défendre. J'ai appris a utiliser une lame. Seulement, ça ne suffira pas. Je n'ai pas la force qu'il faut pour ce voyage. Si tu ne maîtrise rien, c'est peine perdue."

"En clair, tu vas droit à la mort, bien que tu sembles la fuir. Comment tu t'appelle ?"

Reprit alors Angie, en la lâchant enfin. Au moins, elle avait donné son avertissement. Le reste, c'était à elle de voir.

"Enfin, on ne te fera rien. Juste te mettre en garde. Maintenant, si tu veux fuir, tu peux. Si tu veux rester, tu peux aussi. C'est pas à nous de te dicter ce que tu dois faire. Mais réfléchis-y."

"Tssss, t'es vraiment idiote ! Qu'est ce que tu pense pouvoir faire dans ton état ? JE viens de Kamerlan. Et traverser la mer, c'est pas une partie de rigolade, crois-moi. Tu mourras avant d'y arriver. Et même si tu y arrives, tu ne sera plus toi-même. Tu seras salie par les marins qui t'embarqueront. Pourquoi crois-tu qu'ils prennent des filles de temps en temps hein ? C'est pas uniquement pour faire la cuisine ! T'es vraiment prête pour ça ? Tu as vraiment la force et le caractère pour y résister comme je l'ai fais ? J'en doute. Et puis... Une fois à Kamerlan... Je te souhaite bien du courage. Là-bas, ok, pas de tyran. Mais un climat rude par tous les temps ! Pense-tu vraiment avoir assez de volonté pour supporter tout ça ?"

Ainsi venait-elle bien de Kamerlan, Saeko en avait la confirmation, à présent.
Au niveau du voyage, elle n'avait jamais eu la prétention de dire que ça serait facile. Sa vie était devenue difficile depuis 4 ans, elle y était habituée, du coup. Bien qu'elle ne pouvait pas savoir ce que c'était que l'ambiance que la Kami lui décrivait, en effet.
Mais ça lui sembait bien...anodin, presque. Quelle était donc la différence entre le château d'ici et les bateaux ? Le rang ? C'était rien...

Pour elle, c'était similaire.

N'empêche qu'elle avait voulu y croire malgré-tout, car n'ayant plus rien à perdre. Elle ne savait pas où aller pour pouvoir survivre, elle était abandonnée depuis bien longtemps, perdue, et seul son espoir lui permettait d'avoir la volonté de se battre encore.

Là, cette fille venait de lui briser la seule chose qui lui restait. Un mal pour un bien, peut-être, Saeko l'ignorait, tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle n'avait plus rien, si partout où elle allait, elle aurait droit à la mort, que pouvait-elle faire ?
Si elle avait survécu jusque-là, pourquoi ne pas continuer ? Bien que là, elle se mit à douter. Etait-elle condamnée à mourir ?

Fière, elle tenta de rester de marbre, mais ce fut assez difficile. Elle avait envie de pleurer. Cela n'arrangeait certainement pas les choses. Mais ça permettait déjà d'évacuer un surplus d'angoisse perpétuel. Mais elle était devant deux inconnues. Elle ne voulait pas perdre le peu de dignitié qui lui restait.

Elle allait continuer à lutter, pourtant. Lutter pour dire qu'elle affronterait. Mais n'en eut pas le temps, car la voix de la dénommée Ruby, si elle se rappelait bien de par l'appellation de celle qui l'avait entraînée de force quand elles s'étaient un peu bousculées, prit la parole.

"Moi aussi, j'ai voulu fuir ce pays."

Court silence. Saeko ne bougea pas, ne releva pas le regard. Ce qui ne signifiait pas qu'elle n'écoutait pas. Au contraire, ses autres sens s'étaient assez développés, et elle se fiait beaucoup à eux. Au moins cela lui donnait-il le temps de tenter de se reprendre, de ne pas éclater.
Elle devait se montrer forte. Surmonter ce qui semblait bien trop lourd pour elle.

"Kamerlan me semblait être la destination idéale... Mais j'ai vite déchanté. Je ne pensais pas qu'il y avait autant de risques."

Elle aussi avait donc voulu fuir la capitale ? D'où venait donc cette jeune fille, apparemment adoptée par les nobles, d'après ce que Saeko en devinait ?

"Je pensais pouvoir me défendre. J'ai appris a utiliser une lame. Seulement, ça ne suffira pas. Je n'ai pas la force qu'il faut pour ce voyage. Si tu ne maîtrise rien, c'est peine perdue."

Bon. Au moins, c'était clair. Celle-là devait être armée. Toutes les deux auraient été des ennemies, c'était certain, elle ne s'en serait pas sortie.
Au fond d'elle, c'était le gouffre. Les couleurs qu'elle tentait de mettre dans son univers sombre se décoloraient, elle tombait de nouveau dans cette imensité sombre qui la troublait.

"En clair, tu vas droit à la mort, bien que tu sembles la fuir. Comment tu t'appelle ?"

Saeko dû de nouveau se retenir pour ne pas éclater, il lui restait malgré-tout un soupçon de fierté qui l'obligeait à garder la tête haute. Ce fut assez dur.
Elle tentait surtout de reprendre des repères, de ne plus se laisser envahir par les rénèbres qui la rongeaient constament depuis deux mois à présent. Si elle s'était remise au dessin avec acharnement, ce n'était pas pour rien. C'était certes pour espérer reprendre le travail qu'elle avait commencé il y avait 4 ans de cela, mais aussi pour lutter contre les ténèbres.
Le simple fait de pouvoir continuer à former des choses au crayon lui permettait malgré-tout de visualiser mentalement ce qu'elle faisait. Le toucher aussi, ainsi que l'ouïe et l'odorat.
Le moindre détail qui pouvait paraître anodin l'aidait beaucoup, et elle se guidait grâce à ça.

Sauf que là, elle avait de nouveau l'impression de tout perdre, et son angoisse de ne plus rarriver à se situer lui revenait.

"Enfin, on ne te fera rien. Juste te mettre en garde. Maintenant, si tu veux fuir, tu peux. Si tu veux rester, tu peux aussi. C'est pas à nous de te dicter ce que tu dois faire. Mais réfléchis-y."

- Je...je ne peux plus rester. Je dois absolument partir, ce n'est plus qu'une question de temps si je reste ici, à attendre la mort sagement...Je veux me battre. Je ne veux pas mourir. C'est le seul choix que j'ai. Je n'ai plus rien à perdre de toute façon.

Sa voix s'était faite blanche, assombrie. Elle comprenait que les deux jeunes femmes semblaient être sincères, d'où sa réponse, déjà plus développée qu'auparavant.
Où aller ? Où se reconstruire une vie, même difficilement, pour échapper à cet enfer au mieux ?

En cet instant, elle voulut avoir le pouvoir de se rendre invisible. Ses larmes lui échappèrent. Ainsi que ces mots :

- A quoi bon me connaître, si je suis condamnée ?

D'après ce qu'elle en comprenait de leurs paroles. Qu'en gros, cette fois, on lui donnait son mot à dire. On lui demandait de choisir de quelle façon elle voulait mourir.
Ce qu'elle trouvait bien cruel. Ne pourrait-elle donc jamais s'en sortir ?

Dans cet air de chaos, elle faisait malheureusement partie des faibles, oui. Des faibles qui n'avaient rien demandé. Pourtant, elle pouvait avoir de la volonté, sinon, pourquoi avoir tenté de surmonter son handicap ? Elle avait osé penser qu'elle pouvait développer des capacités insoupçonnées, mais au moins utiles, si elle en avait...pourquoi pas, après tout...
Des faibles qui voulaient se refaire une place, devenir plus fort. Mais visiblement...la vie semblait vouloir la condamner.
Limite pour tenter de lui faire dire "Vois comme tu étais mieux au château". Elle trouvait ça vraiment cruel. Et injuste. Juste parce qu'elle n'était pas capable de saisir une arme, elle devait mourir ? Elle n'était pas d'accord...elle refusait d'accepter cette vérité-là.

Elle voulait seulement retrouver son humanité qu'on lui avait volé. Parce qu'à la limite, servir à contrecoeur, passe encore. Et encore, limite. Mais le reste...limite elle aurait un visage épouvantable et balafré, aurait été une gueuse avec la peau sur les os, elle s'en serait mieux tirée...

Angie leva les yeux aux ciel. Allons bon, en un avertissement, la volonté de cette fille avait lâché, et déjà, elle s'abandonnait à l'angoisse et au désespoir. Ce qui lui confirma qu'elle n'était pas prête pour ce genre de traversée. Ou pas toute seule, du moins. Mais ses derniers mots disaient aussi qu'elle était condamnée... Donc recherchée, en toute logique. Elle ne pouvait donc pas espérer pouvoir partir si facilement dans ses conditions.
La jeune mage de feu se demandait vraiment à quoi elle pensait. Il était évident qu'elle ne se rendait pas compte, et sûrement, qu'elle ne choisissait pas la bonne voie. Ou du moins, c'était encore trop tôt. Elle n'avait pas les nerfs pour, et ça, elle savait très bien de quoi elle parlait.

Seulement, la fuite dans ses conditions, elle ne connaissait pas. Elle, par chance, elle avait la force de caractère, ainsi que la liberté, seulement maitre d'elle même, sans personne autour pouvant l'entraver. En résumé, l'opposé exact de cette inconnue, qui par ailleurs, ne s'était toujours pas présentée. Mais peu importe. Elle pouvait juste prévenir, pas consentir. Comment oser prétendre connaître quelqu'un quand on a pas vécu la même chose ? Et ce sur tous les points ? C'était hypocrite. Et l'hypocrisie, on l'utilisait sur les imbéciles imbus d'eux mêmes, pas sur les honnêtes gens.
Du coup, elle s'éloigna, pour s’adosser à son tour sur le mur d'en face, soupirant.

Elle ne pouvait pas comprendre pleinement, non. Mais il y avait ici une autre personne qui était à peu près dans le même cas, même si pas à la même échelle. C'était plutôt à elle de jouer. Elle trouverait sûrement mieux les mots.

Ruby s'avança. Elle avait beau être distante de part sa personnalité, elle n'était pas insensible. Et son éducation faisait qu'après tout, si elle avait été autant appréciée dans le Château, ce n'était pas pour rien. Elle avait aussi se montrer intentionnée. Aussi bien par comédie que sincérité. Et d'après les dires de cette aveugle, toutes deux n'aimaient pas les nobles. Bien qu'elle semblait bien plus déboussolée par sa fuite qu'elle même ne l'avait été. Disons qu'elle avait d'avantage les pieds sur terre, et qu'elle n'était pas condamnée non plus. Quoique... Mais dans tous les cas, elle pouvait se défendre, et puis, elle n'était pas seule.

Doucement, elle prit la jeune fille en pleur dans ses bras, lui caressant doucement la tête. Comme elle le faisait souvent avec les jeunes enfants de sa "famille". Elle ne les avait jamais aimé toutefois. Mais un diction disait toujours qu'il fallait être proche de ses amis, mais encore plus de ses ennemis. Dans l'esprit de pouvoir s'en approcher plus facilement le jour de la vengeance... Vengeance, dont elle avait finit par abandonner l'idée, sous les conseils d'Angie. Les nobles qui l'avaient recueillie n'y étaient pour rien. Et l'avaient aimée comme l'une des leurs. Elle n'avait pas été malheureuse. Les vrais coupables étaient le Roy, son tyranisme, et les soldats en mission à ce moment là. Mais s'en prendre directement à lui était tout aussi dangereux. Alors au final... Elle avait fini par suivre celle qui était de 3 ans sa cadette, pour vivre de la façon la plus heureuse qu'il soit.

Bien qu'elle avait prit ça pour une véritable injustice à cette époque. Se faire tuer pour ne pas aimer le même dieu... Idiotie pure ! Seulement, il serait tout aussi injuste de faire payer ces nobles qui l'avaient acceptée, et sauvée d'une vie de misère, quelque part. Ils n'étaient pas à l'origine de tout ça, eux. Ils étaient juste nés du bon côté de la balance. Elle ne pouvait pas leur en vouloir réellement. Leur faire payer, se serait se montrer aussi idiot que le Roy lui-même... Du moins, c'était l'argument d'Angie qui l'avait convaincue... Si toutefois, elle n'était pas recherchée suite à sa fuite, ça, elle n'en savait rien, elle était partie sans rien dire, après tout...

"Là là... Calme toi, tout va bien, tu ne risque rien là... Pourquoi dis-tu que tu es condamnée ? Tu as fais quelque chose de mal ?"

En même temps, si elle avait été une esclave... Courant étaient ceux qui se faisaient tuer pour la moindre petite erreur... Mais si tel était le cas, elle avait une grande chance d'être encore en vie, et même, de pouvoir ainsi se balader dans les rues sans se faire interpeller.

"Tu sais... Y'a énormément de gens recherchés... Et on en fait plus ou moins parti aussi, pour quelques meurtres isolés, alors qu'on s'est juste défendues. Et on a pas la garde constamment à nos trousses, y savent même pas qui ont est. Même elle, pourtant noble, ils n'y prêtent pas attention, et ne la reconnaissent même pas ! J'pense pas que votre Roy se souvienne de votre tête à tous. Si tu es vraiment mise à mort, alors que tu peux marcher dans les rues comme ça, c'est qu'il t'as déjà oubliée, ou ne t'accorde pas trop d'importance. Tu te serais déjà faite chopée sinon. Surtout que tu ne peux pas voir les gardes venir à l'avance, je me trompe ? Tu penses vraiment que si tu étais condamnée, tu serais encore ici, et libre ? Lui, ce qu'il veut, c'est les Insurgés. Eux, ils posent problèmes. Par les gens comme toi en fuite incapables de se battre et de causer le moindre tort... Alors oublies la fuite et ce voyage dont tu parles, que tu ne peux même pas faire. Contente toi simplement de te refaire une vie sans poser de problèmes à sa "Majesté", et je ne pense pas que tu auras à fuir... Enfin, même si je connais pas ton histoire..."

Balança alors la Angie de son ton habituel, désinvolte, comme si tout ça n'était que banalité pure et évidence. Enfin, dans le fond, c'était plutôt rassurant... Non ?

Saeko ne put apercevoir l'expression des deux autres, aussi ne réagit-elle pas à cela. Elle essayait plutôt de retenir ses larmes, honteuse d'être ainsi devant des personnes qu'elle ne connaissait pas.

Mais à force de tout retenir, ça débordait. Puis même, elle s'étonnait encore d'être capable de verser des larmes, après le passage de cette lame brûlante...autant dire que les premiers jours, elle n'avait pas pu vraiment se relever, chez les Insurgés.
Elle avait juste senti un bandeau lui serrer la tête, tout en sentant le parfum de quelques mixtures aux vertus curatives sur sa peau, les premiers jours. Elle s'était laissée faire avec une certaine réticence, tout de même, forcément méfiante envers tout le monde, et même des Insurgés. On avait insisté, presque forcé, Saeko avait alors clamé la première exigence de sa vie : elle avait réclamé une femme, refusant qu'un homme puisse la toucher.
Un compromis forcé, mais au moins avait-elle eu ce qu'elle avait "voulu", pour une fois, et sans se prendre de coups pour avoir protesté...refusant tout contact avec la moindre personne masculine.
Allant jusqu'à demeurer complètement muette en face de l'un d'eux. Ne parant pas beaucoup en d'autres occasions, mais le peu qu'elle avait parlé là-bas, ça n'avait été seulement en face de femmes. Les hommes, elle était demeurée froide, butée et distante.
A si. 4 mots seulement. "Ne me touchez pas", quand l'un d'eux s'approchait selonelle d'un peu trop près ou qui voulait la frôler pour la guider, sans lui faire de mal. Elle leur envoyait ces mots soit avec un ton glacial, soit d'une voix forte quand elle se sentait approchée de trop près, de nouveau en se débattant.

Elle avait déjà cassé le nez d'un noble. Si seulement elle savait où elle frappait chez les Insurgés, elle n'aurait pas hésité non-plus.

Collée au mur, tentant de se reprendre, bien que ça lui était bien difficile, car ne sachant plus où aller, ni comment s'en sortir, elle sentait sa fin proche. Cette jeune "noble" qui disait l'avoir vue, peut-être que ça avait été le cas une fois ou deux, soit lorsque Saeko fut emmenée au château il y avait 4 ans, soit lors d'un simple passage dans les couloirs, Saeko n'ayant pas fait partie des esclaves devant habiter les sous-sols et le genre. Limite elle aurait préféré cela, au moins on ne lui aurait pas prêté plus d'attention qu'un caillou sur le sol.
Elle avait été plutôt bien habillée, bien qu'en-dessous de la classe des nobles, évidemment, et la différence, c'était qu'une chaîne reliait sans cesse ses chevilles. Elle devait servir de trophée, d'objet utile à tout, même aux plus gros caprices, comme aux Etoiles de Caelis. Avec cette fichue chaîne en plus.

Peut-être s'étaient-elles croisées donc au détour d'un couloir, sans vraiment s'y prêter attention. Saeko ne pouvait pas réellement se souvenir, car ne voyant pas le visage de l'ex-noble, le cas contraire, peut-être l'aurait-elle reconnue de suite.

Ou alors, elle l'avait vue le jour de son châtiment sur la place publique, peut-être.

Saeko n'en savait rien, de toute façon, ce n'était pas le plus important.

Tentant difficilement de se reprendre, bien que, sans espoir comme ça, c'était bien difficile, elle sentit des bras la saisir. Doucement, toutefois, pour une fois depuis longtemps.
Son premier réflexe fut évidemment de se débattre vivement, bien trop marquée par ces 4 denières années, craignant du coup le moindre contact. Mais les paroles précédentes lui revinrent rapidement en mémoire. "On ne te fera rien".

Mots qu'elle avait du mal à croire en ce moment, mais si effectivement, ces deux filles étaient mal intentionnées, elle serait peut-être de retour au château depuis longtemps.
Ensuite, l'une était de Kamerlan, terre ennemie du tyran d'ici. Alliée à une Calicienne, adoptée par des nobles. Qu'elle avait apparemment quitté par fugue, tout comme elle. Puis sa voix était...presque sans vie, comme s'il lui était à elle aussi arrivé quelque chose de terrible.

Ce fut l'analyse que put en tirer Saeko avec les éléments qu'elle avait. Elle n'avait certes plus ses yeux pour observer le moindre détail, mais ça ne l'avait pas pour autant rendue idiote. Apeurée, blessée, profondément marquée par ses antécédents au point de se méfier automatiquement de tout le monde, ça oui. Mais pas idiote malgré-tout. Elle n'avait certes pas encore fait part de ses "observations", mais ça ne voulait pas dire pour autant qu'elle ne les avait pas.

Elle ne parvint plus à tenir, à son plus grand damn. Ses larmes coulèrent, bien qu'elle tenta encore et toujours de les retenir, préférant demeurer discrète, dissimulant son visage dans ses fines mains pour justement pouvoir les dissimuler plus facilement.

"Là là... Calme toi, tout va bien, tu ne risque rien là... Pourquoi dis-tu que tu es condamnée ? Tu as fais quelque chose de mal ?"

De nouveau ces mots, comme quoi elle ne subirait peut-être pas ce qu'elle avait subi il y avait à présent deux mois de ça. Deux mois qu'elle avait "quitté" ce château. Un jour qu'elle avait quitté les Insurgés, fuguant de leur repaire.

Fait quelque chose de mal ? Qu'avait-elle fait pour en arriver-là ? Rien. Ah si. Elle avait juste refusé de se soumettre une énième fois. Elle s'était débattue, avait blessé superficiellement le noble qui l'abusait, et pas en privé...
Voilà ce qu'elle avait fait. Pour avoir prononcé un mot. Pour ne pas avoir été d'accord. Parce qu'elle n'avait pas le droit à son propre avis.

Trop secouée encore pour répondre, la Kami prit la parole.

"Tu sais... Y'a énormément de gens recherchés... Et on en fait plus ou moins parti aussi, pour quelques meurtres isolés, alors qu'on s'est juste défendues. Et on a pas la garde constamment à nos trousses, y savent même pas qui ont est. Même elle, pourtant noble, ils n'y prêtent pas attention, et ne la reconnaissent même pas ! J'pense pas que votre Roy se souvienne de votre tête à tous. Si tu es vraiment mise à mort, alors que tu peux marcher dans les rues comme ça, c'est qu'il t'as déjà oubliée, ou ne t'accorde pas trop d'importance. Tu te serais déjà faite chopée sinon. Surtout que tu ne peux pas voir les gardes venir à l'avance, je me trompe ? Tu penses vraiment que si tu étais condamnée, tu serais encore ici, et libre ? Lui, ce qu'il veut, c'est les Insurgés. Eux, ils posent problèmes. Par les gens comme toi en fuite incapables de se battre et de causer le moindre tort... Alors oublies la fuite et ce voyage dont tu parles, que tu ne peux même pas faire. Contente toi simplement de te refaire une vie sans poser de problèmes à sa "Majesté", et je ne pense pas que tu auras à fuir... Enfin, même si je connais pas ton histoire..."

Un moment de silence, encore, attendant d'être capable de parler plus ou moins correctement.
Libre ? Elle ne l'était pas. Comme elle le disait, ce n'était qu'une question de temps. Ce n'était que la veille qu'elle avait réussi à fuir les Insurgés. Saeko n'avait pas l'intention de révéler leur existence et leur cachette ici, mais peut-être qu'eux n'étaient pas du même avis...tandis que les nobles du château, eux...

Non, décidément, dans tous les cas, elle était convaincue qu'elle ne devait pas rester dans la capitale. Juste au cas où. Ensuite...si cette jeune noble, Ruby de son nom (nom qui ne lui disait rien...en même temps logique, mais elle n'avait pas connu tous les noms par coeur, aussi...surtout s'ils "gardaient les filles pour eux", comme elle l'avait insinué...), avait elle aussi fui ce château, cela devait être bien pour une raison.
Bien que le fait que les gens de là-bas ne la reconnaissait pas était étrange. Saeko ne connaissait pas les coutumes de la noblesse, mais pour en avoir exécuté des commandes, elle savait que généralement, les "jeunes" étaient interdits de fréquenter ce qu'ils appelaient le bas peuple, soi-disant pour ne pas se faire contaminer...

- Pour avoir eu l'intention de me défendre...et de l'avoir tenté...

finit-elle par dire dans un souffle, répondant à la question de Ruby. L'autre jeune fille avait raison, aussi. Saeko arrivait certes à peu près à positionner les gens autour d'elle selon les sons qu'elle pouvait entendre, mais elle ne pouvait quand même pas les "apercevoir" à l'avance.

- Mademoiselle Ruby doit être au courant de ce que ceux qui montrent le moindre signe d'insoumission doivent subir.

Surtout si elle avait été adoptée...ce qui signifiait qu'on lui avait imposé une certaine éducation. Et en mode tyrannique, cela devait avoir été sous forme de menace. Pour Saeko, c'était logique. Pour l'avoir subi aussi, quelque part, bien que pas à la même échelle ni du même côté. Au moins signifiait-elle, en sous-entendu, qu'elle avait perçu un petit quelque chose chez Dame Ruby. Bien qu'elle ne pouvait pas savoir en détail, évidemment. Mais dans sa tête, quelque part, c'était synonyme de "prisonnière", aussi. Les barreaux de Ruby étant les mêmes que ceux de Saeko, en clair, ce château. Leurs chaînes avaient été différentes, toutefois. Celles de Ruby, ce fut l'éducation qu'on avait dû lui imposer, en toute logique, celles de Saeko avaient été différentes.
Une prison pouvait donc avoir diverses formes. Et celles qui semblaientles plus belles, les mieux décorées étaient les pires.

- Si le Roi a la stupidité de laisser ses prisonniers s'échapper au lieu de les tuer pour anéantir tout risque de rébellion, c'est une occasion d'en profiter. Ce répit ne durera pas, malheureusement...

Car il était certes très occupé par les Insurgés, du coup, ça détournait son attention, ce qui pouvait servir d'avantage.
Un petit moment de silence, où elle finissait un peu de se calmer, bien que son angoisse demeurait toujours là.
Toutefois...

- A quel moment nous sommes-nous croisées ?

demanda-t-elle à Ruby, bien que n'ayant pas vraiment changé de position. C'était juste pour tenter, malgré-tout, de placer un semblant de visage sur une personne apparemment croisée par hasard.

Etait-ce d'ailleurs un hasard que les deux jeunes filles puissent se croiser de nouveau comme ça ?

"Je vois..."

Répondit simplement l'ex-noble tout en se dégageant doucement, l'aveugle semblant être plus calme à présent. Et ne confirma pas, et ne rajouta rien d'autre que ces deux mots. Mais chez elle, le ton en plus, ces mots signifiaient qu'elle comprenait très bien de quoi elle parlait. Bien qu'elle ne l'avait jamais vécu elle même, elle en avait toujours entendue de belles, dans les couloirs du château... Souvent de la part des gardes, où de certains nobles fiers de leurs "exploits" de la nuit passée...

Pour le reste, elle se mit à réfléchir. L'avoir simplement croisée dans les couloirs semblait être la seule option. Où et quand, elle ne savait plus. Mais cette jeune fille était assez typée. Son visage avait malgré tout dû resté dans sa mémoire, même si elle ne prenait pas la peine de forcément le retenir. Elle n'eut pas besoin de répondre, que déjà, Angie se la ramenait, comme à son habitude.

"Rébellion ? Alors que tu n'as même pas pu me résister alors que je suis plus jeune que toi ? Me fais pas rire... Je ne vois vraiment pas en quoi tu serais un danger pour ce type qui passe son temps le cul sur un trône, ou au pieu tiens... A moins que... Tu sois une Insurgée. Mais dans ce cas, tu serais avec eux, et tu parlerai pas de quitter le pays. Donc je ne pense pas que tu ais du soucis à te faire ! Pas pour avoir collé une droite à un de ces riches ! A moins que tu ne le recroise dans la rue, ou qu'il y ai autre chose... Tu n'as vraiment plus de proches, ou de famille ici ? Ou quelque part dans le Pays ?"

De son côté, Ruby continuait sa réflexion, tentant de se souvenir plus précisément du moment où elle l'avait vue, mais en vain. Elle reprit presque aussitôt, de son ton dénué de tout.

"J'ai sûrement du te croiser dans les couloirs, une, ou plusieurs fois peut-être... Je ne retenais pas les têtes, là-bas... Et je suppose qu'en tant qu'esclave... Tu n'as plus de famille...Tout comme j'ai perdu la mienne."

Elle affirmait plus qu'elle répondait à son amie. C'était très courant, de tuer les parents, et de prendre les enfants, surtout les filles, en esclave... Ces gens là n'avaient plus de famille, en général. On laissait pas vivre les adultes. Pour sa part, elle avait eu énormément de chance. Sûrement parce qu'elle était très jeune, trop jeune pour travaillé, et que ceux l'ayant recueillie aient préféré l'élever comme leur fille, et non comme potentielle servante.

"Tu vois ! Vous êtes pareilles toutes les deux ! Alors essaies plutôt de refaire ta vie, et d'être heureuse au lieu de tenter de fuir. Ça ne veut pas dire qu'on te retrouvera même si tu restes ici, loin de là ! Suffit juste d'être assez maline, et tu passe pour n'importe quel villageois banal. Peut importe tes soi-disant crimes d'avant. Quitter le pays, c'est te jeter dans la gueule du loup, et revivre ce que tu cherches à éviter, justement. Fais-moi confiance là-dessus. Au pire, quitte la Capitale, va dans un petit village éloigné qui ne pose pas de soucis aux grands d'en haut, et vis ta vie ! Si tu as la volonté pour ça, alors tu y arriveras. A te voir, tu n'as ni la force, ni la volonté demandée pour prendre un bateau. Alors sois intelligente, et fais avec ce que tu peux faire. Et tu verras, y'a toujours une solution !"

"Rébellion ? Alors que tu n'as même pas pu me résister alors que je suis plus jeune que toi ? Me fais pas rire... Je ne vois vraiment pas en quoi tu serais un danger pour ce type qui passe son temps le cul sur un trône, ou au pieu tiens... A moins que... Tu sois une Insurgée. Mais dans ce cas, tu serais avec eux, et tu parlerai pas de quitter le pays. Donc je ne pense pas que tu ais du soucis à te faire ! Pas pour avoir collé une droite à un de ces riches ! A moins que tu ne le recroise dans la rue, ou qu'il y ai autre chose... Tu n'as vraiment plus de proches, ou de famille ici ? Ou quelque part dans le Pays ?"

Les premiers mots, forcément, elle ne les aima pas beaucoup, tout simplement parce qu'ils étaient raisonnés. Elle n'avait jamais été une combattante de première.

- Je ne suis pas une Insurgée. Rentrer dans leur jeu, c'est la mort assurée. Puis hors de question de devenir l'alliée de ceux qui m'ont donné cette vie, et qui m'y ont enlevée juste pour avoir bonne conscience.

C'était parti tout seul. Auparavant, toutes les différences sociales et tout, Saeko s'en fichait pas mal, elle avait été élevée dans la mentalité d'accepter tout le monde.
Cela faisait 4 ans, mais elle s'en souvenait comme si c'était hier. Trois personnes étaient arrivée, en sale état, demandant asile. Ses parents n'avaient pas hésité, ils les avaient hébergé, soigné, nourris.
Saeko avait voulu tenter de savoir qui ils étaient. Ils n'avaient rien dit.

Quelques heures plus tard, un raid sur le quartier. Les trois hommes avaient mystérieusement disparu. Voyant l'affolement, ses parents étaient en train de plier le strict minimum avec Saeko afin de partir plus loin, mais à peine avaient-ils franchi le pas de leur porte qu'ils avaient été saisis...et accusés d'être venus en aide aux trois insurgés qui étaient justement présents aussi, entre les mains des hommes de Caelicia.

Saeko les avait alors regardé avec haine, gagnée par la peur qui la rongeait. Ils leur avaient menti. Ils leur avaient apporté de lourds ennuis. Des ennuis qui leur avait beaucoup coûté. Alors tout naturellement, elle les haïssait tout comme les nobles.

- Ce "riche" était un des plus hauts sujets du roi. Personne n'a le droit de leur faire un affront.

Puis justement. Elle ne pourrait pas le voir, si jamais ils se recroisaient. D'où l'importance pour elle de quitter la capitale à tout prix. Si elle se faisait oublier, tant mieux. Mais plus rien ne la rattachait à ici.

"J'ai sûrement du te croiser dans les couloirs, une, ou plusieurs fois peut-être... Je ne retenais pas les têtes, là-bas... Et je suppose qu'en tant qu'esclave... Tu n'as plus de famille...Tout comme j'ai perdu la mienne."

En même temps...pour l'une comme pour l'autre, c'était logique. Dans leurs cas, à ce moment-là, du côté noble, pourquoi faire attention aux condamnés et aux gens qui n'avaient plus droit à une identité comme elle ? Et de son côté à elle...pourquoi retenir les têtes de potentielles personnes voudrant lui cauer du tord juste pour leur bon plaisir ?

En tout cas, elle avait vu juste. Cette jeune fille avait bien vécu quelque chose de terrible, aussi, ce qui n'avait rien d'étonnant, vu ces temps troublés.

"Tu vois ! Vous êtes pareilles toutes les deux ! Alors essaies plutôt de refaire ta vie, et d'être heureuse au lieu de tenter de fuir. Ça ne veut pas dire qu'on te retrouvera même si tu restes ici, loin de là ! Suffit juste d'être assez maline, et tu passe pour n'importe quel villageois banal. Peut importe tes soi-disant crimes d'avant. Quitter le pays, c'est te jeter dans la gueule du loup, et revivre ce que tu cherches à éviter, justement. Fais-moi confiance là-dessus. Au pire, quitte la Capitale, va dans un petit village éloigné qui ne pose pas de soucis aux grands d'en haut, et vis ta vie ! Si tu as la volonté pour ça, alors tu y arriveras. A te voir, tu n'as ni la force, ni la volonté demandée pour prendre un bateau. Alors sois intelligente, et fais avec ce que tu peux faire. Et tu verras, y'a toujours une solution !"

Court silence, se redressant un petit peu, dégageant enfin son visage, et de répondre calmement :

- Pour cela, il faut que je surmonte tout le reste, déjà. J'ai réappris à mouvoir mon corps, à poser des idées sur le papier, mais ce n'est encore rien de concret. Il faut que j'aille au-delà, si je veux vivre.

Elle avait bien réussi à déjà acquérir ces capacités, après-tout. Elle pouvait certes créer, mais plus confectionner. Première solution : avoir des gens sous ses ordres. Sauf qu'elle n'était pas du tout faite pour commander, du coup, Saeko optait pour la solution "je vais réapprendre à confectionner par moi-même". Elle avait bien réappris à dessiner, après de nombreux ratés. Pourquoi pas cela, aussi ? Et bien d'autre...parce que quand elle était décidée, elle pouvait avoir des capacités insoupçonnées, oui...bien que pour récupérer ce talent, ça avait mis du temps, quand même.

Peu importait. Dans ce monde-là, elle ne pouvait pas se permettre de faire connaître sa cécité. Surtout pas. Elle devait passer au-dessus. Et elle avait bien l'intention de continuer à s'endurcir, question de survie là aussi.

- J'ai aussi pour projet d'apprendre à me défendre efficacement contre un homme...

Evidemment, avec ce qui serait à sa portée. Elle n'avait certainement pas la carrure pour supporter des armures et des armes lourdes, elle s'en doutait très bien. Elle n'avait ni la prétention de décréter qu'elle deviendrait une fine lame, ce n'était pas son truc. Puis elle n'était pas faite pour ça.
Mais elle désirait acquérir le minimum pour s'en sortir. Parce que donner des coups au hasard dans le noir, ce n'était pas très efficace...si elle avait réussi il y avait deux mois à casser le nez du vassal du roi, c'était parce qu'elle savait où elle frappait.

Là, maintenant, ses coups étaient plutôt hasardeux. Ce qui n'aidait franchement pas, à moins d'un énorme coup de chance de frapper au bon endroit au bon moment.

- Je ne survivrai pas, autrement.

Elle voulait en être capable. Ce qu'elle avait réussi jusque-là seule l'encourageait à se dire qu'elle pouvait y arriver. Elle avait bien appris à marcher de nouveau sans bâton. Element trop flagrant dont elle avait vite voulu se débarrasser, à moins de prétexter un problème à une cheville justifiant l'utilisation du bâton, mais c'était le genre de chose qui se trahissait très vite, donc bon...Saeko avait mis cette idée bien vite de côté.

Arrivant à celle-là : apprendre à marcher sans.
Exactement comme dessiner. Les propos de la Kami l'y encourageait beaucoup, à ce propos, car ne voyant pas réellement le résultat, se l'imaginant seulement dans sa tête, elle ne pouvait pas savoir. Elle pouvait très bien mentir, aussi. Mais Saeko n'y croyait pas.

Ce qui le lui faisait penser ? La Kami était directe, sans détour, et ce avec naturel. Traits typiques des gens ne sachant généralement pas mentir, et pas du genre à ça.

C'était une des choses que Saeko avait pu observer d'elle, ne connaissant pas encore son nom.

Saeko était déterminée à arriver à surmonter, pour pouvoir vivre, et regagner son humanité. Le chemin serait dur, mais elle n'avait pas le choix. Elle était prête à tout...du moment qu'elle ne restait pas ici trop longtemps. Car en effet, elle ne pouvait pas reconnaître les personnes de loin. Et donc ses anciens tortionnaires qui n'hésiteraient sûrement pas à lui faire "réparer" l'affront qu'elle avait "commis". On torture, puis si on se repentit, on vivait encore, prisonnier comme d'habitude, ou alors, on mourrait.

Et Saeko n'avait pas envie de revenir là-bas, ni de se faire tuer. En tout cas, pour une cause qu'elle trouvait tout à fait injuste.

- Je peux y arriver...il le faut, de toute façon, je n'ai pas le choix. Ce voyage me le permettra...

Puisque de toute façon, dans tous les cas, elle quittait cet endroit. Peut-être pas à l'extrême comme l'avait avertie la kami, mais il y avait vagabondage quand même. Puis qui sait, peut-être qu'elle pourrait remettre ce long voyage à plus tard ?

Car oui, têtue. Elle pourrait être dans une ville loin d'ici au calme, rien n'empêcherait le roi de continuer ses conquêtes et d'attaquer, ce n'était toujours qu'une question de temps. Temps dont elle voulait profiter pour ne plus revivre tout ça.

Une chose l'intrigait, aussi, bien qu'elle n'osa pas le demander. Que faisaient ces deux jeunes filles à la capitale ? Surtout si Ruby fuyait le château, elle aussi...c'était un peu folie de se balader ici librement.

Elle l'ignorait pour le moment. Une chose dont elle était convaincue, toutefois, ne voulant pas se faire d'illusion, c'était que cette entrevue finirait par se terminer, ces filles disparaîtraient, et elle serait seule de nouveau.
Peut-être ne les "reverrait"-elle jamais. Elle n'en savait rien, elle ne pouvait rien confirmer ni prétendre à ce sujet. Juste à garder l'idée "ne dépend de personne", afin de ne pas se sentir de nouveau perdue au beau milieu de nulle part dans un univers sombre.

Non, elle n'osait pas leur demander leur objectif ici, cela serait certainement déplacé de sa part. Elle ajouta seulement, comme une certaine preuve de son état d'esprit vis-à-vis d'elles :

- Saeko Hikure. C'était le nom que je pouvais porter autrefois.

Et qu'elle cherchait à reprendre. Et non "vivre" sous une identité donnée par ses geôliers.

Oui, elle était décidée à regagner son nom et son humanité, quelque part...

"Peuh... Et pourquoi t'aurai pas le droit de leur faire quoique ce soit ? Ils se gênent pas, eux... Moi j'aurai pas hésité. Enfin... Je n'ai pas hésité non plus. Même si c'étaient pas des nobles."

Continua Angie toujours aussi directe, avant de la laisser continuer, sans rien ajouter pendant ce temps, pour une fois.
Par ailleurs, ce fut ensuite Ruby qui reprit la parole, se sentant d'un coup concernée par quelque chose.

"Il n'y a pas que contre les hommes qu'il faut savoir se défendre. Dans un combats, si tu veux survivre, il faut être capable de battre ton adversaire tel qu'il soit."

On la reconnaissait bien là, plus dans son domaine déjà. Vu qu'elle maniait l'épée depuis quelques années déjà.

"Et tu n'auras pas toujours qu'un seul adversaire en face de toi. Tu peux apprendre à te battre peu importe ta condition physique. Mais si tu veux vraiment savoir te défendre, il faut que ça soit pour toutes les situations, et pas uniquement que contre un type d'adversaire. Ou tu te feras avoir. Mais si tu veux voyager, il faut savoir te défendre avant."

Là, Angie n'écoutait qu'à moitié. En tant que mage, elle supportait plus qu'elle n'attaquait, et la méthode était pour ainsi dire la même pour chaque combats, alors bon. Et puis, elle était beaucoup plus dégourdie que son amie malgré tout, alors la plupart du temps, les analyses de situations et les tactiques, c'est elle qui s'en occupait. Bref, elle n'avait pas de leçons à recevoir là-dessus.

"Dis moi Saeko... Tu as déjà entendu parler dans les rues de celles que l'on surnomme "Angie Ruby" ? Elles ont déjà laissé leurs traces dans le sang. Plusieurs corps d'imprudents ont été retrouvé sans vie des des ruelles sombre comme celle-ci. En bref, se sont des criminelles. Dit-on."

Parce que mine de rien... Elles étaient connues. Leur réputation les précédait déjà depuis quelques temps. Seulement... Personne n'était assez dégourdit pour savoir qu'il s'agissait d'elles, même en les croisant. Alors cette Saeko, avec juste un passé d'esclave rebelle, incapable de se battre réellement, et sans la moindre réputation, n'ayant tué personne... Elle avait beaucoup plus de chance de passer inaperçue dans la foule. Elle était une esclave comme une autre. Échappée, peut-être, mais elle n'était pas la seule dans ce cas.

Angie tentait de lui faire comprendre au moins ça. Elle s'inquiétait sûrement de trop, à croire que tout était fichu, alors qu'au final... Ça ne voulait strictement rien dire. Vivre tranquille en étant "connu", c'était largement faisable. Il suffisait d'avoir un tour d'avance. Et cette aveugle arrivait à faire croire qu'elle ne l'était pas. Ce qui voulait dire qu'elle était assez intelligente pour se dissimuler, ou du moins, avait un esprit dans cet optique. Alors pourquoi ne jouait-elle pas là-dessus, au lieu de se compliquer la tâche en voulant fuir dans un autre enfer ?

"Peuh... Et pourquoi t'aurai pas le droit de leur faire quoique ce soit ? Ils se gênent pas, eux... Moi j'aurai pas hésité. Enfin... Je n'ai pas hésité non plus. Même si c'étaient pas des nobles."

- Sous prétexte parce qu'ils sont hauts placés, et qu'en force, ils sont supérieurs à toi.

répondit-elle simplement. Le "toi" ne désignait pas la Kami en particulier, c'était juste une façon de parler pour tenter d'expliquer pourquoi elle n'avait pas pu.

"Il n'y a pas que contre les hommes qu'il faut savoir se défendre. Dans un combats, si tu veux survivre, il faut être capable de battre ton adversaire tel qu'il soit."

- ...

ça, c'était logique. Saeko ne pouvait pas dire le contraire. Disons juste qu'après ce long cauchemar, elle redoutait tellement la gente masculine que c'était la première catégorie d'adversaire qui lui était venue à l'esprit. Elle les comparait presque au diable, tellement elle les voyait comme des monstres, à présent.

Difficile pour un homme de pouvoir gagner sa confiance, désormais...

"Et tu n'auras pas toujours qu'un seul adversaire en face de toi. Tu peux apprendre à te battre peu importe ta condition physique. Mais si tu veux vraiment savoir te défendre, il faut que ça soit pour toutes les situations, et pas uniquement que contre un type d'adversaire. Ou tu te feras avoir. Mais si tu veux voyager, il faut savoir te défendre avant."

Elle n'avait pas tord...du moins, Saeko voulait bien la croire vu que Ruby sembait mieux s'y connaître dans le domaine, à l'en entendre parler. Seulement...si elle restait trop longtemps ici, elle risquait gros...non, décidément, elle ne pouvait pas rester.

Quelques personnes la connaissaient, après tout, ici, et elle ne voulait courir aucun risque. Surtout qu'ayant été vue en place publique il y a de ça deux mois, quelques personnes pourraient peut-être finir par la reconnaître. Et donc, de la dénoncer, même malgré-eux.

Non, elle devait vraiment quitter cet endroit et aller ailleurs, là où elle pourrait passer réellement pour une inconnue.

- Malheureusement, je ne peux me permettre d'attendre de l'apprendre avant de partir.

Surtout qu'elle ignorait combien de temps cela prendrait. ça pouvait autant être rapide que long. Dans tous les cas, si elle restait ici, ses chances de survie s'amenuisaient.
Donc non. ça serait pendant. Pas avant. Ni après. Elle avait mis deux longs mois à se rééduquer elle-même chez les Insurgés, espérant qu'ils ne soient pas trouvés.
Chance jusque-là.
Elle ne voulait pas en abuser, ni se mettre à rêver pour croire qu'elle pouvait se permettre d'attendre deux mois encore. Minimum. Ou maximum. A voir. Tout dépendrait de comment ça se ferait, si toutefois ça se faisait, et comment ça se passerait.

"Dis moi Saeko... Tu as déjà entendu parler dans les rues de celles que l'on surnomme "Angie Ruby" ? Elles ont déjà laissé leurs traces dans le sang. Plusieurs corps d'imprudents ont été retrouvé sans vie des des ruelles sombre comme celle-ci. En bref, se sont des criminelles. Dit-on."

Court silence, où elle demeura de marbre. Pourtant, elle avait quand même une raison pour s'affoler, car si elles étaient vraiment des criminelles, le fait de l'avoir mise à l'écart pouvait très bien être une mise en scène pour la tuer plus facilement.

Seulement, plusieurs critères rentraient en compte dans l'attitude de marbre de la jeune fille :
- cela faisait 4 longues années qu'elle s'était habituée à ce genre de scène, de menace déguisées ;
- 4 ans aussi où elle fut obligée de jouer un jeu qu'elle ne voulait pas, comme interdite d'avoir de véritables sentiments humains ;
- Après ses propres antécédents, ça lui paraissait presque d'une banalité affligeante.

Du coup, comme si elle y était habituée, elle ne réagit pas de façon violente physiquement.

De toute façon, ça ne servirait à rien. Elles étaient deux contre une, l'autre savait s'imposer et l'autre était armée, et de plus, elle la retenait toujours. Un geste brusque et les réactions seraient aussitôt là.

- Et alors ? Qu'es-ce que ça changerait ?

demanda-t-elle plutôt, sans rechigner.

Qu'est-ce que ça lui apportait, en effet. Au château, et dans sa situation, un bandit était un bandit, peu importait les noms ou les renommées.
Ensuite...

- "100 témoignages ne valent pas un regard". Ce fut un dicton de ma famille. Si vous êtes réellement ces criminelles qui tuent de sang-froid des gens ne pouvant vous rivaliser sans aucune raison, alors qu'attendez-vous ? Prouvez-le et tuez-moi. C'est l'idéal, ici, il n'y a aucun témoin à part vous. Dans ce cas, je me demanderai pourquoi ne pas l'avoir fait plutôt. A moins que vous soyez du genre à prendre la confiance de votre victime avant de l'abattre, et dans ce cas, j'ai été bien naïve. Votre coup sera joliment réussi, dans ce cas, car au fond de moi, je n'y crois pas réellement...ou alors vous jouez trop bien votre jeu. Vos tons, vos gestes, me font croire que vous n'êtes pas ce que les rumeurs veulent faire croire...Du moins réellement. Si vous avez tué ces gens, je me dis que c'était pour une raison. Sinon, pourquoi m'avoir parlé d'un vécu à bord d'un bateau, monté que par des porcs à deux pattes ? Voilà pourquoi je ne crois pas vraiment à ces rumeurs. Voilà ma façon de penser.

Elle s'était tenue droite, s'attendant à recevoir le moindre geste, elle ignorait lequel, mais son corps réagissait par l'habitude qu'elle avait prise au château. Que pouvait-elle faire, de toute façon ? Elle ne savait pas se défendre pour le moment. Elle était à leur merci, tout comme au château.

Elle leut avait fait part de son analyse. A elles de voir. Qu'avait-elle à perdre, de toute façon ? Elle ne regrettait plus rien. Si effectivement elle s'était faite avoir, eh bien tant pis. La kami n'avait-elle pas insinué qu'elle ne s'en sortirait pas seule, de toute manière ?

Bien que de l'autre, comme elle leur en avait fait part, elle n'y croyait pas vraiment à cela vis-à-vis d'elles. Même si elle n'écartait toutefois pas cette éventualité. Tout pouvait arriver. Ensuite, les trois ne se connaissaient pas assez. Saeko faisait juste part de la réflexion qu'elle avait eue dans cet échange, qu'en gros, qu'elle n'était pas dénuée de réflexion malgré-tout.

Alors à elles de voir. Saeko trouvait stupide d'agir alors qu'elle ne pouvait plus rien, là.
Au moins aurait-elle juste dit sa pensée.
Advienne que pourra.

[HRP : désolée, je change de couleur de parole parce que indigo sur fond foncé, j'ai un peu de mal à lire/relire X_x...]

"Tssss... Tu comprends vraiment rien toi... Du moins... Pas où je peux en venir !"

Fit Angie légèrement amusée, lui donnant une petite pichenette sur le front, rien de méchant.

"Enfin, en effet, ce duo, c'est nous. Aussi, comprends que par ça, nous sommes recherchées, et mises à mort, pour des crimes qui n'en sont pas vraiment... De toute façon, les vrais criminels ne sont déjà plus. Et pourtant... Rien ne m'empêche de me pavaner comme un paon dans la rue sans que personne ne se rende compte de qui je suis vraiment. Ce qui veut dire deux choses. Ruby ?"

Elle se tourna alors vers son amie pour lui faire signe de continuer, ce qu'elle fit, sur son habituel ton désintéressé.

"Que les gens ne nous connaissent pas, ni ne nous reconnaissent malgré notre réputation, bien plus étendue que celle d'un esclave."

"Et de deux, c'est en étant le moins discret possible qu'on est encore moins soupçonné !"

Enchaîna l'autre de suite, sur un ton très joyeux, et fier. Elle reprit aussitôt.

"Réfléchis un peu. T'es aveugle. Point que ceux qui te connaissent repèreront facilement. Seulement... Tu est assez douée pour cacher ce détail non ? D'une, tes yeux ne le montrent pas, mais en plus, tu dessine en marchant, tel un professionnel parfaitement voyant. Alors expose-toi ! Montre toi, ne te cache pas. Ceux qui te cherchent, s'ils te cherchent toutefois, en ont après une fille aveugle, réservée, voire rebelle. Qui prêtera attention à une jeune fille assurée, qui vit simplement sa vie comme si elle voyait parfaitement ? Ils auront beau faire la ressemblance du visage... Leur esprit restera logique, et leur dira que ce n'est pas possible. Et puis, y'a des gens qui se ressemblent énormément. On nous confond bien au premier coup d’œil, Ruby et moi, si l'une se déguise en l'autre, et si on ne prend pas la peine de regarder plus en détail... C'est ça, d'avoir le don de jouer avec les gens... Qui ira chercher un assassin au beau milieu d'une place bondé, à faire le pitre, en plein jour ? Non, les soldats iront le chercher dans les ruelles à l'écart, dans les endroits malfamés, pensant qu'il se cache... Qui donc serait assez fou pour se dévoiler en public avec sa tête mise à prix ? Alors que c'est ça, la clé de la liberté. L'évidence même rend aveugle au profit de la difficulté."

Elles en étaient la preuve quelque part. Bien sûr, ça ne suffisait pas. Ce genre de supercherie était aussi discrète que voyante. Il fallait toujours prévois une issue de secours. Mais cela signifiait aussi que la solution n'était pas forcément loin et difficile d'accès... Au contraire, plutôt simple, et facile d'accès. Juste à tendre le bras et la saisir de la main.
Pour une handicapée comme elle ne pouvant pas se défendre, et ayant déjà à l'esprit de tromper les gens... N'était ce pas le plus abordable ?

Bon, après, c'était de toute manière à elle de choisir. Mais elle n'était pas faite, et encore moins prête, pour voyager, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Ou pas seule, du moins. Mais vu son état esprit, elle ne risquait pas de faire confiance à qui que se soit durant un moment.
Du coup, partir, pour elle, signifiait sûrement la fin de sa vie, ou une vie encore plus brisée qu'elle ne l'était déjà...

Elle lui offrait juste un autre chemin, à elle de choisir.

"Tssss... Tu comprends vraiment rien toi... Du moins... Pas où je peux en venir !"

Saeko ne s'attendit pas au geste, forcément, le sentant juste au dernier moment, sursautant du coup très légèrement, clignant pendant une courte fraction de seconde ses yeux. Qui décidément ne voyaient rien. Les rares fois où ils pouvaient effectuer un mouvement, il fallait vraiment que l'action,peu importait laquelle, soit la touchait directement, soit qu'elle puisse le sentir réellement venir.

Ici, ça avait été le premier cas, cas qui revenait le plus souvent. Parce que bon, la chute de Ruby avait dûe être vraiment flagrante pour attirer l'attention d'autant de monde. Pour ne pas y être attiré(e), il fallait réellement être aveugle. Comme elle. Parce que dans ce genre de chose, on pouvait certes ne pas y prêter trop attention, mais le moindre mouvement brusque et soudain attirait toujours malgré-soi le regard, même pendant une fraction de seconde.
Evidemment pas par ceux de Saeko, où il fallait une attention bien plus forte pour pouvoir attirer son regard. Qui pouvait malgré-tout s'animer d'expressions, parfois.
Tout ceci dissimulait le fait que son regard restait presque tout le temps fixe, sans bouger, car attiré par rien, forcément.

"Enfin, en effet, ce duo, c'est nous. Aussi, comprends que par ça, nous sommes recherchées, et mises à mort, pour des crimes qui n'en sont pas vraiment... De toute façon, les vrais criminels ne sont déjà plus. Et pourtant... Rien ne m'empêche de me pavaner comme un paon dans la rue sans que personne ne se rende compte de qui je suis vraiment. Ce qui veut dire deux choses. Ruby ?"

Pour la première partie, la kami lui confirma tout ce que Saeko avait déjà deviné et supposé. Le coup des mises à prix et tout, ça coulait de source, c'était logique, aussi ne s'en étonna-t-elle pas. Tout cela venait avec la réflexion qu'elle avait eu sur ce duo.

Elle ne voyait certes plus de façon physique. Depuis deux mois, Saeko avait appris à voir le monde autrement pour ne pas sombrer dans les ténèbres. Ensuite, elle avait toujours été du genre à analyser les gens, du coup, ça aidait.

Ne lui manquait plus que l'analyse physique. Qu'elle n'avait pas. Parce que forcément, elle analysait du coup sur ce qu'elle pouvait entendre, selon le ton employé, les mots, la façon de parler, et se construisait un visage dessus, pour pouvoir s'en faire une représentation, tout en sachant que celle-ci pouvait largement être faussée. Mais qu'est-ce que ça changeait, si de toute façon, elle était condamnée à errer dans le noir ? Au moins cela lui donnait-il des couleurs, de quoi peindre ces ténèbres constantes.

"Que les gens ne nous connaissent pas, ni ne nous reconnaissent malgré notre réputation, bien plus étendue que celle d'un esclave."

Certes. Elle trouvait ça logique, de sûr, mais...elle n'avait pas vraiment été une esclave comme les autres...

Saeko se rendit compte d'une chose, aussi. Il lui manquait une chose importante, en fait : la confiance en soi, contrairement à ces deux jeunes filles qui se tenaient devant elle, dont une plus proche d'elle depuis tout à l'heure.

"Et de deux, c'est en étant le moins discret possible qu'on est encore moins soupçonné !"

Ah ben ça. Moins discret possible, pas discrètes du tout, plutôt, les concernant, vu le boxon qu'elles avaient causé tout à l'heure.

Mais plus elles parlaient, plus Saeko était convaincue de son hypothèse...elles n'étaient pas vraiment ce que les rumeurs voulaient faire croire. D'une, par tous les arguments qu'elle avait déjà sorti. Ensuite, par ce geste octroyé par la kami, et le ton dont elle venait de prononcer sa dernière phrase. Et tout le reste qui suivit.

"Réfléchis un peu. T'es aveugle. Point que ceux qui te connaissent repèreront facilement. Seulement... Tu est assez douée pour cacher ce détail non ? D'une, tes yeux ne le montrent pas, mais en plus, tu dessine en marchant, tel un professionnel parfaitement voyant. Alors expose-toi ! Montre toi, ne te cache pas. Ceux qui te cherchent, s'ils te cherchent toutefois, en ont après une fille aveugle, réservée, voire rebelle. Qui prêtera attention à une jeune fille assurée, qui vit simplement sa vie comme si elle voyait parfaitement ? Ils auront beau faire la ressemblance du visage... Leur esprit restera logique, et leur dira que ce n'est pas possible. Et puis, y'a des gens qui se ressemblent énormément. On nous confond bien au premier coup d’œil, Ruby et moi, si l'une se déguise en l'autre, et si on ne prend pas la peine de regarder plus en détail... C'est ça, d'avoir le don de jouer avec les gens... Qui ira chercher un assassin au beau milieu d'une place bondé, à faire le pitre, en plein jour ? Non, les soldats iront le chercher dans les ruelles à l'écart, dans les endroits malfamés, pensant qu'il se cache... Qui donc serait assez fou pour se dévoiler en public avec sa tête mise à prix ? Alors que c'est ça, la clé de la liberté. L'évidence même rend aveugle au profit de la difficulté."

Saeko se demanda si les gens du château étaient idiots à ce point-là. Pour en avoir "fréquenté" des hauts-placés, elle doutait un peu...en particulier du général de Caelicia. Cet homme lui faisait véritablement peur, autant que ses supérieurs.

Bien qu'elle comprenait mieux où voulait en venir la kami, Saeko demeurait convaincue qu'elle ne pouvait plus rester ici en dépit de tout. Bien qu'elle pourrait en user pour se faciliter un peu le voyage, aussi.

- Je peux comprendre...mais je ne peux vraiment pas rester ici. Ma vie ici...s'est terminée il y a un moment, à présent. La supercherie est utile, mais ne durera pas autant de temps, je pense. Et...je refuse de rester à ne rien faire. Ce n'est pas une vie, ça. Ils m'ont condamnée aux ténèbres pour que je puisse me repentir, certes, et que je ne puisse plus rien faire d'autre que combler leurs désirs...que je ne sache plus rien faire d'autre. Je préfère encore mourir que de vivre ainsi. C'est pour cela que je me suis relevée. Que je désire me dépasser, devenir plus forte, et non un fardeau ou un jouet avec lequel on s'amuserait comme bon lui semble...Je voudrais prouver que ce n'est pas ce genre de chose qui fait que tout s'arrête. je dois le faire, si je veux vivre. Il faut que j'acquiers d'autres capacités et que je récupère celles que j'ai perdu pour avancer.

Vie de petit trophée enchaîné, non-merci. Mais pouvoir avancer et vivre d'elle-même, oui. Elle aurait de l'aide ? Tant mieux. Sinon, tant pis. Voilà 4 ans qu'elle était seule et sans allié, alors voilà longtemps qu'elle n'espérait plus en trouver et en avoir.

Une chose était certaine, elle ne voulait pas se laisser morfondre.

- Cette vie, je l'ai perdue. Je ne pourrai la refaire ici. On ne me laissera pas faire. Il faut donc que je parte.

Sans dire pour autant qu'elle oubliait leurs dires, au contraire. Justement, ça pouvait aider. Largement.
Mais concernant cette ville son choix était fait. Elle était décidée à partir...le plus loin possible.

Bien sûr...cela nécessitait une certaine préparation. Les vivres et l'argent qu'elle avait trouvé chez les Insurgés avant de partir ne dureraient pas éternellement.

Elle se demandait toujours quels étaient donc les objectifs de ces deux jeunes femmes...peut-être le saurait-elle, peut-être pas. Elle n'osait toujours pas demander, cela lui paraissant très déplacé. Habitude malheureusement d'être soumise, peut-être, et du coup, à ne pas trop dire ce qu'elle pensait...bien qu'elle venait de le faire, pourtant, tout à l'heure...

"Tu ne peux pas, tu ne peux pas... Qui te fait dire ça ? Ça a été décidé ? T'es obligée de partir ? Vraiment ? Tu as déjà essayé de vivre ici, au moins pour voir ? J'peux comprendre que t'ais peur, mais tu as également choisi un chemin encore plus effrayant que celui-là... T'es pas logique..."

Continua la Angie, croisant les bras derrière sa tête, toujours avec son ton nonchalant. Elle ne critiquait pas. Enfin, pas vraiment. Elle constatait, surtout.

"Enfin, je ne peux pas te dicter non plus ce que tu dois faire. C'est bien, de ne pas laisser les autres décider pour soit. Mais ce chemin que tu veux prendre... Assure toi au moins d'en être capable."

C'était bien là le dernier avertissement qu'elle pouvait donner. Peut-être qu'elle se trompait. Que cette Saeko aurait la chance de tomber sur un navire de marins respectueux. que ce dit navire ne croisera pas de pirates. Et qu'il arrive à Kamerlan sans embrouille. Taux de chance ? Sûrement moins d'un petit pourcent. Fallait être lucide en même temps...

Pendant son voyage à elle, elle avait croisé pas moins de 5 navires pirates. Et avait dû embarquer dans deux d’entre eux pour continuer sa route. Chance qu'elle pouvait faire de la magie, couplé à un caractère de meneuse, sinon... Elle ne vivrait plus. Si elle s'en était sortir indemne, c'était par sa ruse, et le reste. Elle avait réussis à contrôler les loups de mer, en les intimidant, en se montrant supérieure, habile, et plus maline qu'elle. L'aveugle... Elle en donnerait sa main à couper. L'aveugle n'avait pas la force, aussi bien caractère que volontaire, pour en faire autant.

"Sur ce... Je doute qu'on l'on se reverra un jour... Bonne chance pour la suite !"

Que pouvait-elle dire de plus à présent ? Saeko avait fait son choix, à la bonne heure pour elle. Elle espérait juste que la jeune fille ne le regretterai pas.
Toujours de son air désintéressé de tout, elle sortit de la ruelle, attendant Ruby qui traînait derrière, comme d'habitude, tout en regardant les passants.
Son amie affichait plutôt un air triste, et s'apprêtait à la rejoindre. Mais elle pouvait difficilement ignorer cette jeune fille qui avait eu un passé similaire, même pire, que le sien, et qui voulait fuir pour les mêmes raison.

"... J'espère vraiment que tu arriveras à trouver ce que tu cherches... Mais pour être honnête... Toute seule... J'en doute. Sans Angie, j'aurai sûrement fait cette même erreur. Alors que maintenant, j'ai laissé tout ça derrière moi. Comme elle le dit... Les meilleures solutions ne sont pas toujours là où on croit les trouver..."

Preuve pour elle... Ruby était avant tout partie pour devenir l'assassin de sa famille de substitution. Qui n'y était pour rien, dans tout ça. La vengeance commise, elle aurait perdu la vie peu après. C'était se jeter droit dans les flammes de l'enfer. Car tout ça... Qu'est ce que ça apportait au fond ? Rien. Juste la mort. Et une vie gâchée. Complètement. Alors que maintenant... Elle vivait. Tout simplement. Et pouvait dire qu'elle était heureuse.

"Tu ne peux pas, tu ne peux pas... Qui te fait dire ça ? Ça a été décidé ? T'es obligée de partir ? Vraiment ? Tu as déjà essayé de vivre ici, au moins pour voir ? J'peux comprendre que t'ais peur, mais tu as également choisi un chemin encore plus effrayant que celui-là... T'es pas logique..."

- Peut-être aussi illogique que deux jeunes filles qui se promènent dans les rues d'une cité qui veut leur peau.

Le tout dit...avec...un léger sourire. Si, si. Pour une fois depuis longtemps. Peut-être à cause de leur sincérité. De leur attitude envers elle. Mais au moins, elle avait enfin pu demander en sous-entendu ce qui la titillait depuis tout à l'heure.
Et toujours pour dire aussi qu'on observait pas qu'avec les yeux.

"Enfin, je ne peux pas te dicter non plus ce que tu dois faire. C'est bien, de ne pas laisser les autres décider pour soit. Mais ce chemin que tu veux prendre... Assure toi au moins d'en être capable."

Saeko ne répliqua rien à ça, elle était déjà plus qu'avertie, elle le savait, le voyage serait très long, très rude. Mais son choix était fait, elle voulait couper tout lien avec ici. La Calicienne qu'elle avait été était morte depuis longtemps, maintenant. Celle qui était si fière d'habiter ici, si fière de travailler dans cette ville pour tout le monde...tout cela, c'était fini.

Et comme pour réellement couper tout lien avec cette vie-là, elle ne voyait plus rien.
Elle ne voulait pas non-plus prendre le risque de se faire saisir de nouveau.

Ce voyage prendrait peut-être de longs mois, voire des années. Mais au moins peut-être échapperait-elle à ce qu'elle redoutait tant. En devenant plus forte, en se dépassant, sans se bloquer au fait qu'elle était plongée dans le noir total, le plus profond, qu'elle peignait mentalement à son image.

"Sur ce... Je doute qu'on l'on se reverra un jour... Bonne chance pour la suite !"

Cet instant si redouté, dans le fond. Saeko s'était bien dit qu'elle ne pouvait rien espérer, de toute façon. Elle était seule, sans alliés pour l'aider. Elle continuerait donc de se débrouiller seule, comme elle l'avait été depuis...essayant de ne pas s'étouffer dans cette solitude.

Cette fois, elle se fichait pas mal si cette expression s'affichait sur son visage. Elle ne pouvait le voir. Ni celui de l'ex-noble juste à côté d'elle à ce moment-là encore.
Voir non. Ressentir, oui. Peut-être même plus qu'auparavant.

"... J'espère vraiment que tu arriveras à trouver ce que tu cherches... Mais pour être honnête... Toute seule... J'en doute. Sans Angie, j'aurai sûrement fait cette même erreur. Alors que maintenant, j'ai laissé tout ça derrière moi. Comme elle le dit... Les meilleures solutions ne sont pas toujours là où on croit les trouver..."

Saeko ne savait comment réagir. Elle baissa juste un peu la tête face à ces propos. Le ressentis, elle le ressentait dans la voix de l'ex-noble.
Angie. Ainsi était-ce le nom de la Kami.

- Justement...ça ne sera pas en restant ici que je pourrai tout laisser derrière...merci pour votre compassion en tout cas...même si ce mot doit vous faire bien rire, pour les "criminelles" que vous êtes censées incarner.

Par l'habitude qu'elle avait pris, elle tenta de ne rien faire paraître de son ressenti. Ce ressenti de vide, d'abandon, de nouveau.

Quand Ruby commença à s'éloigner, ou plutôt, que Saeko la sentit commencer à s'éloigner, elle lui retint la main, pendant quelques secondes, posant une main de libre dessus. Elle n'en avait pas pour longtemps. Mais le ressentis qu'elle avait eu...et qu'elle ressentait en cette jeune fille...elle ne pouvait passer outre, ni faire genre qu'elle ne s'était rendue compte de rien.
Pour percevoir ce genre de chose, elle n'avait pas besoin de ses yeux. Elle était, au contraire, suffisamment sensible, voire beaucoup, pour percevoir ce genre de chose.

- Votre main est fine...la grâce fait partie de vos gestes, pourtant, je sens une certaine force dans cette main. C'est celle avec laquelle vous utilisez votre arme. Pourtant...je sens une légère forme d'hésitation dans vos doigts.

Ce que la jeune femme devait ressentir. On avait beau demeurer impassible de visage, si toutefois elle l'était, Saeko ne pouvant pas affirmer cela puisqu'elle ne voyait pour ainsi dire, rien, mais le corps parlait. Chaque pulsation, elle avait appris à les ressentir bien distinctement, du coup. Car elle ne voyait désormais plus par les yeux. Mais par son âme. Et ça pouvait parfois être bien plus clair qu'un regard physique...

Ne la relâchant pas encore réellement, de la main qu'elle avait posée au-dessus de celle de Ruby, elle la remonta jusqu'à ses cheveux noirs, y détachant un petit pendentif discret en fines perles, toutes petites, bijou qui s'attachait là exprès. A la base, c'était juste pour donner un peu d'éclat.
Mais dans un tel contexte, ce rôle était complètement oublié.

Saeko le donna. Elle le posa dans la main de Ruby qu'elle retourna doucement paume vers le haut, tout en lui refermant ses doigts dessus.

- On m'a toujours dit que ceci était un porte-bonheur, transmis de génération en génération. Seulement, il ne m'a pas bien aidé. Peut-être vous portera-t-il plus de chance qu'à moi, qui n'en a pas été jugée digne. Je ne tolèrerai aucun refus. Surtout si c'est réellement un adieu.

Tout ceci, comme d'habitude, dit avec sincérité, mais avec uns signification derrière. Une signification voulant en dire long sur sa véritable pensée, et qu'elle avait ressentit le sentiment de celle qui se faisait appeler Ruby.

Là, elle la relâcha, et tenta un dernier sourire, adressée aux deux, cette fois.

- Prenez soin de vous deux.

ça la rendait triste dans le fond. Mais elle ne pouvait se permettre de le montrer, du moins, elle ne le voulait pas. Surtout si elle voulait devenir plus forte, comme elle le disait. Ensuite, elle ne pouvait pas les obliger à quoique ce soit. Ni de se permettre d'être un fardeau.

Il était donc un peu normal qu'elles aillent de leur côté. Quelqu'un comme elle serait sûrement un fardeau.

Elle se débrouillerait seule...elle le devait.

"Laisser certaines choses derrière soit ne signifie pas le faire réellement de façon concrète... Il y a plusieurs options possibles. Sinon, je ne serais plus ici non plus."

Au final, elle avait choisi de rester. Parce qu'elle avait trouvé quelqu'un pour lui dire de faire la part des choses. Les mots qu'elle venait de dire... Étaient censés être les derniers. Seulement, quand elle s'éloigna pour de bon, elle ne put faire qu'un pas, qu'une main saisissait la sienne. L'aveugle lui glissa quelques mots, desquels elle ne s'étonna guère. Angie n'était pas la seule personne à pouvoir percer certaines chose à jour en un regard et quelques mots. Alors pourquoi pas Saeko ? D'autant plus que les aveugles avaient d'autres façon de percevoir le monde.

Ce qu'il l'étonna en revanche, ce fut le présent qu'elle lui donna. Elle ne comprenait pas pourquoi. Par respect, elle ne le refusa pas. De toute manière, elle n'avait pas le choix. Mais elle ne pensait pas le mériter non plus. Et pas très vive d'esprit, elle ne pouvait pas trop comprendre le sous-entendu derrière ce geste. Car non, elle n'était pas douée ppur ça. Pas du tout. Elle pouvait être compatissante, mais de là à comprendre pleinement les véritables intentions des gens... Il y avait une marge. D'autant plus qu'elle aussi jouait souvent la comédie...

Ne sachant pas trop quoi répondre, et ne pensant même pas au simple "merci", elle se contenta de revenir sur les mots qu'elle lui avait dit juste avant.

"C'est... Parce que je n'ai pas un bon état physique, moi non plus. Je ne peux pas me donner à fond, je n'ai jamais eu une santé de fer..."

A défaut d'autre chose, elle pouvait au moins confirmer les dires de Saeko, tout en lui dévoilant elle aussi sa principale faiblesse. Donnant donnant, quelque part. Puis, un peu gênée par la situation, ne sachant que faire d'autre, elle retourna rejoindre son amie, gardant toutefois le bijou dans sa main.

Pendant ce temps, Angie continuait sur sa lancée. Ne plus être dans la ruelle, et regarder ailleurs, ne signifiait pas qu'elle n'écoutait pas. Absolument pas, et bien au contraire ! Quand Ruby la rejoint, elle se retourna vers elle. Son regard se posa tout d'abord sur l'objet brillant dans sa main, puis sur le visage de l'aveugle, qui reflétait une grand solitude. Sans compter ses paroles. Elle n'était pas dupe. L'ex-noble pouvait peut-être passer à côté de ce genre de détail, et encore, ça se voyait qu'elle n'y était pas insensible, même sans le réaliser, mais elle... Non, c'était tellement évident que ça ne pouvait pas lui échapper.

"Hey ! Si tu veux rester plus longtemps avec nous, t'as qu'a le dire directement, plutôt que de nous amadouer avec ce genre de babioles ! Depuis quand une personne parfaitement étrangère à une autre lui donnerait-elle quelque chose sans intérêt derrière hein ?"

Pas le moindre reproche, comme d'habitude. Juste une constatation directe, en toute logique. Dans ce monde, la générosité pure était rare. Alors forcément...
Puis elle avait dit ça avec le sourire. De toute manière, elle pouvait aussi voir à l'expression de son amie que cette dernière n'avait visiblement pas envie de laisser sa "semblable" toute seule.

"Écoute... Ton voyage... Même si tu veux le faire là, j't'en empêcherai pas, c'est pas mon rôle. Mais si tu le fais maintenant, tu cours à ta perte, peu importe la forme. Alors rien ne t'empêche d'attendre un peu. Et si tu veux pas te faire choper, en attendant, j'peux t'apprendre deux ou trois trucs en plus."

Fit-elle tout en retournant vers l'aveugle, en lui passant familièrement un bras sur ses épaules, l'air plutôt complice, sous le regard de Ruby, plutôt impassible, comme à son habitude, quoi qu'avec un petit air de reconnaissance dans le regard.
Après tout... La vraie raison d'être de la Angie là, c'était bien d'aider les autres. En s'imposant un peu, bien sûr. C''est comme a qu'elle avait récupéré la noble... Mais rien ne l'empêchait de continuer avec d'autres personnes, comme elle l'avait toujours fait. Ça ne coûtai rien, et puis, c'était sa personnalité.

Les sentant toutes les deux s'éloigner, Saeko allait faire de même, pivotant déjà sur ses pieds, faisant un pas sur le côté, afin de retrouver le mur contre lequel elle avait été appuyée plus tôt, afin de pouvoir se guider, dans la direction oppposée. Trois personnes sortant d'une ruelle déserte, cela ferait louche, aussi préférait-elle ne pas causer d'ennuis.

Le tout en essayant de comprendre les dernières paroles de Ruby. Elle aurait tout le temps d'y réfléchir, de toute façon. Du moment qu'elle, elle avait réussi à faire au moins comprendre à ces deux-là qu'elle n'était quand même pas dupe et qu'il ne fallait quand même pas la prendre pour la dernière des idiotes à cause de sa cécité, ça lui allait.

"Hey ! Si tu veux rester plus longtemps avec nous, t'as qu'a le dire directement, plutôt que de nous amadouer avec ce genre de babioles ! Depuis quand une personne parfaitement étrangère à une autre lui donnerait-elle quelque chose sans intérêt derrière hein ?"

- Quoi...?

Elle s'arrêta dans son geste, se retournant en direction de la voix, bien qu'elle ne quitta pas réellement le mur. L'expression ? Etonnée.

Pourtant, elle aurait dû s'en douter. Angie était perspicace, Saeko le savait dès le départ. Elle avait deviné avec une facilité déconcertante son secret, après tout. Mais sur le coup, ce détail lui était un peu sorti de la tête.

Elle entendit des pas se rapprocher. Elle ne bougea pas. Se faisant ensuite surprendre par un léger poids au niveau des épaules, et la voix d'Angie annoncer :

"Écoute... Ton voyage... Même si tu veux le faire là, j't'en empêcherai pas, c'est pas mon rôle. Mais si tu le fais maintenant, tu cours à ta perte, peu importe la forme. Alors rien ne t'empêche d'attendre un peu. Et si tu veux pas te faire choper, en attendant, j'peux t'apprendre deux ou trois trucs en plus."

Saeko ne sut pendant un moment ce qu'elle ressentit à ce moment-là. De sûr, un sentiment qu'elle n'avait plus ressenti depuis 4 ans, tant qu'elle en avait oublié le nom.
Mais rien de mauvais. Paradoxalement, ce n'était pas de la tristesse, "paradoxalement" car bien sensible malgré-tout, elle dût se retenir de nouveau pour ne pas éclater de nouveau.

Elle ne répondit du coup pas dans les premières secondes, voulant se reprendre. Et lorsqu'elle le put, elle répondit :

-..."d'autres options sont possibles"...

Ces mots, c'étaient ceux de Ruby. Voulant dire qu'elle pouvait y remédier si elle trouvait quelque chose de mieux entre-temps.

Elle se demandait combien de temps cela durerait, toutefois. Mais au moins, elle était à peu près certaine de ne pas se faire retrouver, et peut-être de gagner de nouveau son droit à la vie.

Des soi-disantes criminelles, oui, mais après ? Ce n'était pas à elle de juger. De toute façon, elle ne pourrait jamais le voir.

- Je...je ferais tout pour ne pas être un fardeau, je vous le promets...je vous dois la vie...alors j'ignore ce que je peux donner en retour...mais croyez-moi, dès que l'occasion se présentera, je le ferais.

"Qui parle de fardeau ou de devoir la vie ? On a rien fait hein ! Et puis, question fardeau, Ruby le serait certainement plus que toi va !"

Elle balança ça de nouveau d'une façon très naturelle, sans lâcher Saeko, l'entrainant avec elle et la guidant, rejoignant Ruby qui n'avait ni bougé, ni tilté quand à la remarque d'Angie. parce qu'elle avait raison, quelque part. Et puis, elle connaissait bien la jeune fille. Pour elle, tout le monde était un potentiel fardeau, vu son caractère et son dynamisme, sans compter sa capacité à se débrouiller complètement seule. Elle n'avait besoin de personne. Pourtant, plus les gens avaient des difficultés, et plus elle les prenait sous son aile... Alors quoi y redire ? Le tout, c'était juste de ne pas être seul dans ce monde perfide.

"Aller zou, on y va. Dès demain, j't'apprendrais deux ou trois choses. Mais d'abord, retour à l'auberge. Agis normalement, tu verras, personne ne fera attention !"

Et comme à son habitude, elle déambula dans la foule direction l'auberge, entraînant toujours Saeko, comme si c'était une amie parfaitement normale, pendant que Ruby, plus posée, quoique légèrement amusée, suivait derrière.

[RPay Terminay]

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